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« Ça te réconcilie avec la vie de voir toutes ces solidarités. »
Jean-Pierre, 69 ans, bénévole aux Restos du Cœur. Quartier Petit-Ivry.
Propos recueillis le 20 avril.
Aux Restos du Cœur, on ne distribue plus directement, mais on récupère la marchandise tous les jours à Rungis. Je pars à 5h30 du matin avec le camion, tout seul ou à deux, et je prends deux palettes à chaque voyage. Elles sont ensuite centralisées au garage municipal avant d’être distribuées via les Maisons municipales de quartier.
C’est sûr qu’on n’a pas de produits frais, de surgelé, mais ce qui est primordial en ce moment ce sont les pâtes, le riz, le lait, les conserves, les biscuits, les produits d’hygiène et pour bébés : couches, petits pots, lait pour nourrissons, crèmes hydratantes, shampoing, brosses à dents…
Personnellement, je fais aller, comme tout le monde. Le confinement n’est pas tant une contrainte pour moi, car le peu que je sors, c’est pour combattre la misère. Quelque part, on a une certaine fierté d’œuvrer pour 180 personnes répertoriées, qui sont à la rue ou en hôtel social. On est volontaires et ça fait chaud au cœur, le lien social n’est pas rompu.
À Ivry, toutes les associations, à leur niveau, ont répondu présent… malgré les risques !
Et tout le monde bouge à la mairie donc ça fait plaisir. On se bat contre le virus mais ça te réconcilie avec la vie de voir toutes ces solidarités. Ça m’encourage dans mon engagement, parce qu’il y a des moments où l’on perd le moral…
Je vois l’après-confinement comme une période très très dure. Ce qui me fait peur, c’est que ça va être une chute économique et donc sociale. On n’aurait jamais dû exporter nos industries, notre main d’œuvre. On a bradé tout ça pour en faire travailler d’autres à bas coût, ailleurs. Ici, on s’appauvrit et, quand il y a une crise, on a le nez dans l’eau.
On a peut-être les meilleurs médecins, les meilleurs ceci ou cela, mais on n’est pas très réactifs, comme si ça ne pouvait arriver qu’aux autres…
À la télévision, on voit surtout des spécialistes qui font des effets de manche et se contredisent les uns les autres, mais je m’en fous. L’essentiel c’est qu’on s’en sorte. Les gens sont traumatisés donc il faut rester sur une ligne pure et dure : tu restes chez toi.
« À la fin, on va se faire des bisous ! »
Céline, 63 ans, agente administrative d’Enedis à la retraite. Quartier Petit-Ivry.
Propos recueillis le 20 avril.
J’avoue que je n’ai pas bien vécu l’annonce du confinement. Je suis tout de suite allée faire le plein de bouffe pour moi et mes deux chats. Manque de pot, mon ordinateur est tombé en panne pile le 17 mars. Et je suis une telle quiche en informatique que je ne préfère toucher à rien. Alors je regarde la télé et j’avais heureusement fait une réserve de mots croisés. Mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps encore, parce que j’arrive au bout ! J’ai de la chance de vivre dans un grand appartement de 45 m2 avec de grandes fenêtres sur l’ouest. Je pense à ceux qui habitent à plusieurs dans de petits logements, à ceux qui n’ont pas l’habitude de vivre ensemble. C’est terrible ! Sans parler des violences conjugales ou envers les enfants.
Je me dis qu’il y a pire que moi. Et comme j’ai été victime d’un grave accident de voiture il y a 40 ans, je sais relativiser.
Je ne sais pas quand nous serons déconfinés. Quand le gouvernement a parlé du fait que les seniors, dont je fais maintenant partie, sortiraient plus tard que les autres, j’ai d’abord pris un coup de vieux et je me suis dit que j’étais bonne pour rester chez moi, alors que je suis en pleine santé !
Une chose que j’espère très fort quand tout cela sera fini, c’est que les gouvernants et les gens en général n’auront pas la mémoire courte. Parce que ceux qui font tourner la France en ce moment, ce sont ceux qui sont sous-payés, qui ont été méprisés : les infirmières, les éboueurs, les caissières, les chauffeurs de bus… Macron en a parlé, en espérant que ce ne soit pas de l’hypocrisie. Va-t-il y avoir du changement à la fin ? On verra…
Je sors une heure par jour me promener, parce que sans ça, à cause de la faiblesse de mes genoux, j’ai peur de rester coincée. Le soir à 20h, je fais coucou à mes voisines depuis ma fenêtre au 13e étage. On ne peut pas vraiment se parler et de toute façon, avec le confinement, on aurait plus grand chose à nous raconter. Je suis pourtant une grande bavarde, et c’est ça qui me manque le plus : le contact avec les gens, comme ceux que je côtoie comme bénévole de l’Étal solidaire. Quand tout ça sera fini, on va tous se faire plein de bisous, ça va être une orgie terrible ! (rires)
« Playstation, télé et 1h30 de sport tous les jours »
Jean-Emmanuel, 21 ans, gardien de but professionnel de l’USI Hand. Quartier Louis Bertrand.
Propos recueillis le 21 avril.
« Je commence à trouver le temps long. Mais ça va, je tiens le coup. En plus il fait beau, donc je n’ai pas le moral à zéro. Je m’occupe : je joue un peu à la Playstation, je regarde la télé, je découvre des films aussi. Je reste à la maison et je patiente, comme tout le monde quoi. Je garde le contact avec mes potes et mes coéquipiers de l’USI Hand par WhatsApp.
J’ai du temps du coup pour travailler mon BTS. Le confinement ne change rien à ce niveau-là parce que je bossais déjà à distance avec le Cned (Centre national d’éducation à distance). Sauf que j’avais des stages de prévus dans le cadre de ma formation et qu’ils ont été annulés.
« La compétition me manque beaucoup »
Concernant le handball, je m’attendais à ce que lafin de saison soit annulée. Refaire une préparation en deux semaines après une si longue pause, c’était trop compliqué. C’était une bonne chose d’annuler, même si le handball et la compétition commencent à beaucoup me manquer, et que j’aurais aimé dire au revoir aux joueurs qui vont quitter Ivry. Je regarde des rediffusions de matchs à la télé mais j’ai envie de retoucher au ballon.
Pour me maintenir en forme, je fais du sport : 1h30 tous les jours à la maison. Le club nous a donné un gros programme à faire. Et je regarde des vidéos sur Youtube pour varier les exercices. J’arrive à me motiver, même s’il y a des jours, comme le dimanche, où je n’ai pas trop envie. Je m’y mets et puis ça va. Mais ça ne remplace pas l’intensité des entraînements. En tout cas, je ne vois pas quand la compétition pourra reprendre. Il faudra d’abord reprendre les entraînements, faire en sorte que les nouvelles recrues prennent leurs marques… Il faudra prendre le temps d’être prêts pour rejouer les matchs et les gagner. »
« Je fabrique des écrans de confinement »
Michel, 67 ans, chaudronnier plastique aux Ateliers de Technochimie. Quartier Marat-Parmentier.
Propos recueillis le 18 avril.
« Le confinement ne change pas beaucoup ma vie, car les ateliers sont grands et j’habite sur place. On voit aussi un peu de monde car nous sommes un centre de distribution d’Amap : nous préparons les colis et donnons des rendez-vous individuels aux gens pour venir les chercher. On héberge aussi les distributions du Cric depuis la fermeture de l’école d’où ils opéraient.
Professionnellement, tous mes clients sont arrêtés : CNRS, CEA (Commissariat à l’énergie atomique),… Mais comme je fabrique un matériel clef en main - des enceintes de confinement -, je fais du stock. Je fabrique les accessoires qui viendront équiper de futures commandes. Et en plus, comme c’est d’actualité, je fais des écrans de confinement pour les commerçants : des panneaux de plexiglas que je découpe sur-mesure et qui s’installent très simplement avec deux sabots de bois rainurés. Depuis le début du confinement, j’ai dû en faire une vingtaine de toutes dimensions.*
J’ai fourni des pharmacies, des bureaux de tabac, des boulangeries, et un salon de coiffure m’a contacté, probablement pour la sortie du confinement car le virus sera toujours là.
La dernière commande que j’ai reçue, pour le Centre médical Paris-Sud à Bourg-la-Reine, est spéciale : le panneau fait 2,8 m de long et 70 cm de haut ! J’ai donc dû recommander de la matière première.
On m’a souvent félicité pour mes tarifs et la finition du boulot car il semble que certaines entreprises fabriquant ce genre d’écran font du business en période de crise…
Pourquoi les gouvernements, en France et ailleurs, ont fait un confinement ? Parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire face à la crise : il n’y a plus de masques fabriqués en France, et il n’y a plus non plus de lits suffisants à l’hôpital. Si on lâche tout le monde dans la rue aujourd’hui, on va être confronté à une surpopulation des urgences car l’hôpital a été cassé.
Et il ne faut pas me la faire, c’est la faute à Macron ! Il en renvoie la responsabilité aux précédents gouvernements, mais il y était dans le gouvernement d’avant, comme ministre des Finances !
Ma femme s’est portée volontaire, en tant qu’infirmière à la retraite, pour aller travailler à l’Ehpad de l’Orangerie. 50 % des résidents sont atteints et il y a eu une quinzaine de décès. Chacun est confiné dans sa chambre, ce qui oblige à faire les soins et le service des repas individuellement, avec un manque criant de matériel de protection. Pour les résidents, passer sa fin de vie enfermé dans 15 m2, c’est terrible !
Une solution à cette crise serait de tester tout le monde et de ne confiner que les gens contaminés. Cela permettrait de ne pas péter les plombs, car il y a tout de même 30 % d’augmentation des violences conjugales !
Et j’espère qu’après le confinement, le gouvernement va revenir aux 35h, car le décret des 60h / semaine est actif jusqu’à fin décembre ! Au niveau économique, il vont demander des efforts à la population… C’est toujours les patrons qui demandent aux ouvriers de faire des efforts. Et là, c’est bizarre, l’État trouve le fric pour sauver l’économie !
À 20h, on applaudit puis on chante la Chanson des balcons, écrite par la Compagnie Jolie Môme. On a mis des photocopies des paroles dans une boîte accrochée au grillage des ateliers. Du coup, pas mal de voisins la chantent avec nous !
* Pour tous renseignements : contact@ateliers-technochimie.fr
La Chanson des balcons, Compagnie Jolie Môme
On est là
On est là
Aux fenêtres et aux balcons
Nous on est là
On applaudit les soignants
Mais pas le gouvernement
L’union sacrée qu’il nous vend
On n’en veut pas
On est là
On est là
Confinés et révoltés
On n’oublie pas
Qu’ils ont tout privatisé
Tout vendu aux financiers
Ça n’se passe’ra plus comm’ ça
Car on est là
On est là
On est là
Confinés et révoltés
On n’oublie pas
Les hôpitaux saturés
Et la santé dégradée
Les moyens pour nous soigner
On les a pas
On est là
On est là
Confinés et révoltés
On n’oublie pas
Les milliards aux entreprises
Ça prouve quoi qu’ils en disent
Que de l’argent il y en a
Pour ces gens-là
On est là
On est là
Confinés et révoltés
On n’oublie pas
Tous ceux qui vont au charbon
S’entassent dans les wagons
Et bossent sans protection
On n’oublie pas
On est là
On est là
Confinés et révoltés
On n’oublie pas
Les migrants, les sans-abris
Tous les enfants qui s’ennuient
Les papis et les mamies
On n’oublie pas
On est là
On est là
Confinés et révoltés
On n’oublie pas
Pour l’honneur des travailleurs
Et pour un monde meilleur
Tous unis ça changera
Car on est là