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L’école à la maison et « Le Petit bal perdu »
Cyrielle, 36 ans, enseignante en CM2 à l’école Joliot-Curie B. Quartier Louis-Bertrand.
Propos recueillis le 1 avril.
Depuis le début du confinement, je ne suis sortie qu’une fois pour faire des courses. Je me fais livrer un panier bio, par des voisins, toutes les semaines et j’avais des réserves. Je suis confinée avec mes deux enfants Landry, 10 ans, et Vicky, 7 ans.
Être maman et maîtresse en même temps, ce n’est pas évident, il faut trouver le rythme ! Je travaille avec mes élèves par Internet mais je fais aussi deux conférences téléphoniques par semaine afin d’entretenir le lien avec eux. Avant de revenir sur les leçons, nous commençons par 5 ou 10 mn de méditation, pour s’offrir un moment de calme, se concentrer. Nous parlons aussi du confinement.
Beaucoup d’enfants me disent qu’ils s’ennuient. Je leur ai proposé de réaliser un cahier de confinement « historique » en pensant à des enfants qui pourraient le lire dans 100 ans. Ils peuvent le remplir comme ils le souhaitent avec des textes, des dessins... Je leur ai aussi suggéré d’écrire des lettres de remerciement pour le facteur ou l’éboueur qui continuent de travailler pour nous, afin de les positionner en enfants-citoyens.
Avec le confinement, je sens que la solidarité est plus forte entre les gens. Dans mon immeuble, les relations avec les voisins se sont approfondies, nous avons créé un groupe WhatsApp pour se rendre des services ou partager une part de gâteau !
Après l’annonce de la disparition de la gérante de L’Annexe, j’ai été habitée par la tristesse. Je ne la connaissais pas personnellement mais j’allais parfois dans son restaurant. C’était une figure vraiment ivryenne, dynamique, conviviale, solidaire, aidant des petits groupes de musiciens. Sous l’impulsion d’un voisin, nous avons réalisé des dessins de fleurs qui ont été affichées sur la vitrine du restaurant. C’est une façon de lui rendre hommage. J’ai pensé à la chanson de Bourvil, Le Petit bal perdu, qui évoque l’après-guerre. À la fin du confinement, nous serons heureux de retrouver notre liberté mais certains ne seront plus là.
Des chats et des poissons
Vicky, 7 ans, en CE1 à l’école Einstein. Quartier Louis-Bertrand.
Propos recueillis le 5 avril.
Je ne suis pas trop contente du confinement car je ne peux plus courir ni aller jouer aux Cormailles avec mes copines. Mais l’école ne me manque pas du tout ! J’aime bien travailler avec ma maman, je n’ai pas besoin de lever la main pour poser une question et elle m’explique tout.
Je suis contente parce que le matin, je peux dormir tard. Nous ne pouvons pas sortir dans la rue mais nous pouvons aller dans les escaliers de l’immeuble et je peux jouer avec les chats des voisins, Roxy et Roméo. Pour le 1er avril, nous avons fabriqué des poissons en argile avec mon frère et nous les avons déposés devant les portes de nos voisins.
Papa en visio et tarte citron
Landry, 10 ans, en CM2 à l’école Einstein. Quartier Louis-Bertrand.
Propos recueillis le 5 avril.
Le confinement se passe bien, j’aime bien rester à la maison. Nous n’avons pas la télévision mais je regarde un peu plus de dessins animés sur l’ordinateur et je joue davantage aux jeux vidéo. Le matin, je me lève tôt et je fais, seul, les devoirs que la maîtresse nous a envoyés par mail. Je demande de l’aide quand j’en ai besoin. Avec maman, nous faisons du sport tous les jours dans l’appartement. Nous faisons aussi plus de cuisine qu’avant : nous avons appris à faire la tarte au citron et la sauce bolognaise ! Nous parlons à notre papa avec WhatsApp trois fois par semaine, nous faisons des jeux de société avec lui et nous prenons des goûters ensemble, c’est sympa !
« Ce confinement rajoute de l’inégalité à l’inégalité »
Philippe, 66 ans, retraité, porte-parole de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et précaires (Apeis). Quartier Centre-ville.
Propos recueillis le 31 mars.
On se met debout sur le canapé pour applaudir à 20h, car les travaux de rénovation de la cité Pierre Guignois (du bailleur social La Sablière) se sont arrêtés d’un coup, laissant les échafaudages et les filets masquant les fenêtres… Heureusement, on a un petit balcon derrière.
J’ai de la musique, un nombre incalculable de bouquins, une connexion Internet, donc je vis plutôt mieux le confinement que ceux qui sont dans des appartements exigus, sans ordinateur ou débit Internet. Nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne par le confinement.
Quand on est privé de tout, y compris de l’essentiel, faire les courses de proximité ou d’urgence, ça coûte trop cher ! Ce confinement met en lumière des inégalités qui sont là en permanence, mais rajoute aussi de l’inégalité à l’inégalité.
Ce qui nourrit ma colère et me fait me projeter dans la sortie du confinement, c’est notamment la question des personnes sans domicile fixe. Confiné, quand t’es dehors, ça veut pas dire grand chose. Et je suis passé devant la plateforme du bâtiment sur les quais de Seine : il y a toujours des gens qui attendent d’être embauchés à la journée car c’est leur seul moyen de subsistance. Tous ceux qui vivent de petits boulots n’ont plus rien ! Des millions de personnes ne peuvent plus se débrouiller pour survivre, et encore moins pour vivre décemment.
La question des services publics est la vraie question de l’égalité. Quand tu casses le service public, tu devrais savoir qu’il y a des conséquences. Et parce qu’ils n’ont pas su entendre les grèves et les manifestations, les puissants meurent comme les autres.
Ce confinement exige de la solidarité entre nous, mais certainement pas l’union sacrée avec les responsables de ces situations. Si le gouvernement n’avait pas voulu toujours satisfaire les actionnaires, on n’en serait pas là. Les choix politiques ne doivent pas être faits qu’en temps de crise, car les questions de santé et d’indépendance alimentaire sont toujours des mesures d’urgence. Donc il faut indemniser décemment toutes les formes de chômage et de précarité, et augmenter les minima sociaux afin que personne ne se retrouve sous le seuil de pauvreté.
Par conséquent, à 20h on applaudit les soignants, les éboueurs, les caissiers, les boulangers, ceux qui font le ménage, qui conduisent les camions… alors que les traders et les publicitaires ne servent à rien, comme d’habitude. Ceux qui sont en première ligne et qui meurent, c’est d’ailleurs pour une bonne part les « régimes spéciaux » que le gouvernement a montré du doigt comme des privilégiés avant de les appeler aujourd’hui des héros…
« On est là ! »
Yahkou, 54 ans, agent d’accueil dans un établissement d’hébergement pour personnes âgés dépendantes (Ehpad) et aide-soignante de métier. Quartier Centre-ville.
Propos recueillis le 30 mars.
« Nous résistons et assurons notre travail auprès de nos soixante-douze résidents. Je leur donne encore plus, depuis qu’ils sont confinés dans leur chambre, car ils ont encore besoin de nous. Avant, les activités et les animations dans la grande salle permettaient une vie… Depuis le confinement, nous avons proposé de passer les voir, ne serait-ce que pour changer leur broc d’eau et leur verre. Évidemment, nous portons un masque, une blouse, tout ce qu’il faut pour un maximum de sécurité. Pour moi, c’est l’occasion de parler un peu avec eux. C’est très important pour leur bien-être - et même pour le nôtre ! Car cela nous fait aussi du bien de les voir, bref, de constater qu’ils vont bien.
Les visites ne sont plus autorisées, mais à l’accueil, je reçois les appels téléphoniques et les mails des familles pour leur parent. Ici, tout le personnel joue le jeu et fait son travail à merveille. Mes collègues soignants, même s’ils ont des enfants, sont là, présents, solidaires.
Je suis comme tout le monde. Je sors de chez moi avec la boule au ventre, je rentre chez moi avec la boule au ventre. Je me dis, je vais peut-être un jour être contaminée ? Ou je suis peut-être contaminée et je risque de passer ce virus à ces personnes fragiles ? Ou à ma famille ?
Dès que je rentre chez moi, je me lave les mains, je me déshabille et je prends ma douche… J’ai quatre garçons, deux de 11 ans, un de 13 ans et un de 21 ans. Pour les bisous, ils doivent attendre ! Je leur dis : « Ne me touchez pas ! » C’est inhumain ! Ma mère de 84 ans est en ce moment chez moi et m’aide un peu. Cela fait une présence pour les enfants. Mais, avec ce virus, j’ai peur surtout pour elle, car elle est âgée… Mon mari, lui, continue également de travailler. J’espère que l’on va vite arriver au bout du tunnel et que le soleil rayonnera à nouveau dans notre existence ! »
« On a envie de mouvement »
Madeleine, 88 ans, employée de banque à la retraite. Quartier Petit-Ivry.
Propos recueillis le 6 avril.
Le confinement a eu lieu au lendemain du premier tour des municipales. Beaucoup de précautions ont été prises dans les bureaux de vote. J’ai tenu à assister au dépouillement à l’école Prévert où je vote habituellement.
Maintenant, une fois confinée, ce qui est difficile c’est de ne pas rencontrer les gens, de ne pas aller au cinéma ou au théâtre. Deux de mes petits-enfants me rendent visite et m’apportent denrées et autres achats qu’ils me laissent devant la porte par précaution. Comme d’habitude, je maintiens la maison en l’état et la matinée est vite passée. Je fais en sorte de lire au moins une fois par jour le journal ou des revues pour me tenir informée. Je regarde aussi un peu la télévision, mais pas pour les infos, parce que j’avoue que les politiques et les journalistes, que je trouve peu loyaux, m’agacent.
Et puis je consulte Internet, que je découvre, puisqu’il n’y a pas très longtemps que j’ai un petit ordinateur. C’est un bon outil, mais qui peut être dangereux. On y trouve des tas de distractions. C’est fabuleux ! Mais il y a aussi des risques, notamment les détournements d’informations.
Cela me fait une drôle d’impression, moi qui vis à Ivry depuis 1963, de pouvoir compter le nombre de passants dans la rue. Ça crée un vide. Même le périph ne fait plus le même bruit. On aurait envie de mouvement !
Cette période me rappelle un peu la Seconde guerre que nous avons vécus, mes frères et sœurs et moi, en pensionnat, ce qui est différent de ce que vivaient ceux qui étaient en famille.
Concernant l’épidémie, je ne comprends pas qu’un gouvernement, tel que nous l’avons, n’ait pas tenu compte de l’avis de Mme Buzyn [ancienne ministre de la Santé , ndlr], à ce qu’elle a dit en tout cas… Une chose est sûre : on pâtit du manque de financement de la recherche médicale. D’autres choses me semblent dangereuses. Le petit bureau de Poste proche de chez moi a fermé avant même l’annonce du confinement. Il a été menacé à plusieurs reprises de fermeture. Je crains que ce ne soit l’occasion de le fermer définitivement ou de restreindre ses horaires.
D’autres choses m’inquiètent : le télétravail pourrait donner des idées au patronat. Et en ce qui concerne les libertés, il ne faudrait pas que les gens s’habituent à être contrôlés dans la rue et ne s’en étonnent plus. On fait passer beaucoup de choses par décret, vous savez… Il faut être vigilant !
À l’écoute depuis Marseille
Mona Benchaouche, 33 ans, coach en parentalité. Quartier Monmousseau-Vérollot.
Propos recueillis le 27 mars.
Je sortais de formation quand le gouvernement a décidé le confinement. Nous avions décidé bien avant cela, avec mon conjoint, de rejoindre ma sœur et son ami chez eux à Marseille, avec notre fils de 17 mois. Nous avons hésité, mais nous nous sommes dits que nous serions mieux en famille, dans un appartement plus grand, que ce serait plus facile d’être quatre adultes avec un jeune enfant, et que chacun aurait des idées pour rendre le quotidien plus vivable. Même si la question aujourd’hui est de savoir si nous tiendrons comme ça pendant des semaines avec mon fils qui se réveille tous les jours à 6h…
Nous sommes partis en voiture pour éviter de prendre les transports en commun. Mais j’ai eu du mal à dire que nous partions, même à des gens très proches. Maintenant, j’assume. Ceux qui partent sont stigmatisés sur le mode « Les Parisiens, restez chez vous ! ». J’ai l’impression qu’il faut bien des boucs émissaires dans cette crise sanitaire. Cela permet de ne pas mettre l’accent sur le fait que les moyens ne sont pas mis là où il le faudrait depuis vingt ans (l’hôpital public et plus généralement les services publics). Il suffit de voir cette pénurie de masques qui empêche de faire ce qui a été fait en Corée du Sud face à l’épidémie.
Après avoir été directrice de la Maison municipale de quartier Centre-ville – Gagarine, j’ai entamé, après mon congé maternité, une double formation en psychologie de la parentalité et de psychothérapeute. Je développe aussi une activité de coach en parentalité, avec l’idée d’être une première porte d’entrée pour orienter celles et ceux qui me solliciteraient en entretien. Aujourd’hui, durant le confinement, je souhaite lancer cette activité à distance via des écoutes empathiques au téléphone de quarante-cinq minutes pour évoquer difficultés et besoins des parents.
Visualiser des cerisiers en fleurs !
Pascale, professeure de yoga et iconographe. Quartier Ivry-Port.
Propos recueillis le 27 mars.
Je suis confinée avec mon fils qui est étudiant et deux chats qui ne s’entendent pas ! Au début, je sortais un peu plus, mais maintenant je me suis résolue à ne plus m’aventurer dehors, sauf si le frigo est vide. Pourtant j’aime beaucoup bouger, respirer, me mettre au soleil. L’immobilité est un défi pour moi. Je compte sur les doigts d’une main les jours où je suis restée à la maison avant le confinement !
Mes cours de yoga ont été annulés mais je poursuis ma pratique quotidienne, ce qui m’aide beaucoup. Que l’on soit adepte ou pas, il ne faut pas hésiter à faire de profondes respirations et à étirer son corps régulièrement. On peut aussi s’allonger, fermer les yeux et visualiser un paysage qui nous plaît, avec des cerisiers en fleurs par exemple ! C’est un voyage intérieur. On peut le faire avec des enfants.
En plus de l’enseignement du yoga, j’ai un deuxième métier que j’exerce chez moi. Je fais de la recherche d’images en indépendante pour l’édition et des agences de pub. En ce moment j’ai beaucoup de travail, j’en suis très heureuse !
Pour beaucoup d’entre nous, cette période n’est pas une expérience facile à vivre, surtout en ville. Il faut essayer de la traverser sans se juger, avec bienveillance. Nous sommes des humains, c’est normal que cela soit dur. Personnellement, je n’écoute les infos qu’une fois par jour, et je ne réponds pas à toutes les sollicitations des groupes WhatsApp. J’essaie de rester calme !
« On est ensemble mais séparés »
Malika, 59 ans, travailleuse dans le médico-social. Quartier Centre-ville.
Propos recueillis le 2 avril.
Cette situation où l’on est ensemble mais séparés, c’est bouleversant ! On nous l’aurait expliqué il y a quelques temps, on ne l’aurait pas cru. Je me déconfine quand je vais travailler à Chevilly-Larue, quatre jours par semaine. J’anime une résidence-accueil où sont logés trente-deux adultes en situation de handicap mental ou psychique, donc dans une vulnérabilité importante. Tout le quotidien est bouleversé, nous sommes seul par roulement pour s’occuper de trente-deux personnes, même le week-end, donc on n’arrête pas ! Mais j’ai hâte d’aller travailler, il y a un grand jardin et j’aime me déconfiner. Au début, j’y allais en transports en commun et, depuis une semaine, un taxi est mis à ma disposition matin et soir.
On manque de matériel de protection. Nous n’avons plus que six paires de gants sans savoir quand on en aura d’autres. Pour les résidents, même si nous faisons des activités par groupe de deux– jardinage, arts plastiques –, les journées sont longues et angoissantes.
Pour les gens en difficulté, cette période est source d’angoisse. Le secteur psychiatrique est débordé et ne peux plus assurer tout le suivi nécessaire ; les aller-retour en hôpital psychiatrique sont interrompus…
Qui est-ce qui travaille en ce moment ? Qui est nécessaire ? Les milieux populaires ! Caissières, éboueurs, aide-soignantes… Ça doit nous interroger. Et ce n’est pas non plus neutre qu’il y ait énormément de femmes au boulot actuellement. En CDD depuis neuf mois, je touche le Smic. D’ailleurs, ce qui caractérise ceux qui travaillent le plus en ce moment, c’est qu’ils sont payés le moins.
Toutes les inégalités sont exacerbées. Nous vivons à deux dans un F2, cité Maurice Thorez, et ça va. Mais pour des familles en F3 avec plusieurs enfants, c’est dur. Un voisin sort s’asseoir devant la cité pour bouquiner car chez lui c’est beaucoup trop bruyant. Ce n’est pas naturel de rester enfermé ! Dans les prisons, ça doit être l’enfer… C’est pour ça que le monde d’après, il faut vraiment y penser.
Ce qui m’intéresse, c’est comment on va organiser « l’après ». Comment va-t-on faire pour que chacune et chacun puisse intervenir ? Si on délègue, on ne sera pas représenté. Pour pointer les réalités sociales, les premiers concernés doivent pouvoir s’exprimer. Et nous devons partir de ce que vivent les plus en difficulté.
Un impact accru pour les plus fragiles
Sandra, 39 ans, assistante sociale. Quartier Petit-Ivry.
Propos recueillis le 1er avril.
Mes deux filles de 8 et 12 ans et moi respectons strictement le confinement. J’ai même trouvé que c’était une bonne idée que le samedi et le lundi précédant l’annonce du confinement il n’y ait pas eu école. Il faut dire que mon frère travaille pour le consulat de France à Wuhan, en Chine. Lui qui a connu avant nous le confinement nous a donné de précieux conseils, notamment sur l’hygiène : il désinfecte tout (fruits, légumes…) et ne touche pas pendant plusieurs heures à tout ce qui entre chez lui.
Je trouve d’ailleurs que la transparence des informations émises par notre gouvernement n’est pas terrible. Le nombre de personnes infectées est sans doute minoré. J’ai eu la suspicion par exemple d’avoir été atteinte par le virus. Mais en l’absence de test généralisé, impossible de quantifier réellement ce qui se passe. On le voit bien avec le retour des urnes funéraires en Chine…
Au quotidien, rester ainsi à la maison avec mes enfants nous donne un temps que nous n’avons pas habituellement et que nous apprécions. Mais il va falloir que je m’organise. Mon employeur, la Caf de Seine-Saint-Denis, m’a demandée de me mettre au télétravail. Or, aider mes filles à faire leurs devoirs - par Pronote pour Maï-Anna qui est au collège et via un blog pour Izia en primaire - me prend environ 4h par jour. Je suis complètement déphasée : je me couche tard puisque le seul temps que j’ai pour moi, c’est après que mes filles ne soient endormies.
Avant même de travailler à distance, j’ai pris régulièrement des nouvelles des personnes dont je suis le dossier en tant qu’assistante sociale, notamment les plus isolées ou les plus fragiles psychologiquement. Il y a une disparité entre les gens confinés. C’est encore pire pour ceux qui étaient déjà isolés auparavant. Et cette histoire d’attestation à remplir en rajoute encore pour ceux qui ne savent ni lire ni écrire et qui auront encore plus de mal à demander de l’aide. Cette crise sanitaire va avoir des impacts sur les commerçants, les artisans, les indépendants et encore plus sur les plus fragiles.
« Mes amis me manquent »
Maï-Anna, 12 ans, collégienne. Quartier Petit-Ivry.
Propos recueillis le 1er avril.
C’est assez contraignant, ce confinement ! J’arrive tout de même à m’occuper pas mal entre les devoirs, la lecture, le sport que nous pratiquons en famille en suivant des émissions à la télé. Nous cuisinons beaucoup avec ma mère et ma petite sœur, alors que je ne le faisais pas auparavant. Ça nous rapproche. Nous profitons de ce moment pour refaire notre chambre toutes les trois. Nous avons enlevé le papier peint et nous changeons les meubles de place.
Ce qui me manque, ce sont les cours d’escrime et de piano et de ne pas pouvoir sortir plus souvent : seulement une fois tous les trois jours. Nous avons la chance d’avoir un balcon, mais il est fermé. Surtout, ce sont mes amis qui me manquent. Même si nous arrivons à communiquer par téléphone et avec les réseaux sociaux. Et puis, en tant que déléguée de classe, je devais assister à une réunion à Créteil. Et il n’y en a que trois par an.
Mes cousins sont revenus de Birmanie, parce que les hôpitaux là-bas ne sont pas en très bon état. Malheureusement, je ne peux pas les voir même s’ils sont désormais en Île-de-France. C’est frustrant parce qu’en temps ordinaire, ils ne reviennent en France qu’une ou deux fois par ans. Ma tata, elle, a été obligée de rester sur place, parce qu’elle travaille à l’ambassade de France. D’ailleurs, le gouvernement birman dit que le pays est immunisé, ce qui est impossible !