Georges, Léon, Marie MARRANE

Né le 20 janvier 1888 à Louviers (Eure), fils d'un mécanicien aux chemins de fer, Georges Marrane quitta l'école à l'âge de douze ans pour travailler comme apprenti mécanicien dans une fabrique de papier à Ballancourt (Seine-et-Oise) puis vint à Paris où il se fit embaucher par diverses entreprises, artisanales notamment comme ouvrier horloger.

Mobilisé le 1er août 1914, Georges Marrane disait de la Première Guerre mondiale : "C'est elle qui a changé ma destinée". Blessé dès le 5 septembre, dans l'incapacité physique de retourner au front, il vécut comme ajusteur, la vie des ouvriers affectés spéciaux au Centre des ouvriers métallurgistes de Bourges et à la Société des compteurs à gaz du boulevard de Vaugirard à Paris (XVe arr.). Sa solidarité avec ses camarades restés au front était totale. C'est en pensant à eux qu'il adhéra dès la première heure à la 18e section de l'Association républicaine des anciens combattants (ARAC) fondée en 1917 par Henri Barbusse.

L'expérience de la guerre à laquelle s'ajoutait celle des années passées à l'atelier marqua son engagement de toute une vie. Au cours de l'année 1916 qui se révéla décisive, il adhéra à la 18e section du Parti socialiste SFIO où il fit son apprentissage politique puis au syndicat des métaux de la Seine. En 1919, il fut élu secrétaire de sa section socialiste et siégea à la commission exécutive du Comité pour la reconstruction de l'Internationale. Il se prononça pour l'adhésion à la IIIe Internationale au moment du Congrès de Tours (décembre 1920).

Au cours de cette même année, il participa à la fondation du comité des coopérateurs révolutionnaires qui lui en confia le secrétariat. Georges Marrane apparaît alors comme un des principaux responsables du mouvement coopératif parisien. Il dirigea d'ailleurs une coopérative de production "la mécanique moderne" qui employait une dizaine d'ouvriers.
Secrétaire-adjoint du syndicat des instruments de précision, gérant de la Butte Rouge, journal hebdomadaire communiste du XVIIIème arrondissement, Georges Marrane accéda en mai 1922, au secrétariat de la Fédération de la Seine qu'il quitta en 1924 en raison de ses nouvelles responsabilités à la commission centrale des coopératives. Il fut élu membre du Bureau politique du Parti Communiste au congrès de Paris (15-20 octobre 1922).

Appartenant au Comité national d'action contre l'impérialisme et la guerre, il fut arrêté le 10 janvier 1923 après un meeting organisé à la Grange aux Belles et incarcéré à la prison de la Santé pour son action contre l'occupation de la Ruhr. En janvier 1924, au congrès de Lyon, il fut rapporteur de la commission centrale des coopérateurs et le Bureau politique le nomma secrétaire général adjoint. À ce titre, il participa au 5e congrès de l'Internationale communiste à Moscou, en juillet de la même année tandis qu'il entrait, en octobre, au Conseil d'administration de l'Humanité.
Fort de ce passé de militant parisien et de dirigeant du jeune Parti communiste, Georges Marrane fut désigné à la tête de la liste du Bloc ouvrier et paysan, aux élections municipales du 3 et 10 mai 1925, à Ivry. Élu maire le 15 mai, puis conseiller général de la Seine le mois suivant, il devint un des élus locaux les plus marquants de l'entre-deux-guerres et faisait figure, au sein du Parti communiste, de spécialiste des questions municipales. Il garda son fauteuil après chaque consultation électorale et fut régulièrement réélu au conseil général de la Seine qu'il présida en 1936 et 1937. En 1927, tout d'abord, il profita des élections complémentaires pour faire entrer au conseil municipal, Henri Dumoulin, mutin de la mer Noire. Puis en 1929, il fut reconduit à la tête d'une liste qui comprenait parmi ses candidats une femme, Marie Lefèvre. En 1935 enfin, il présenta une équipe qui fut élue dès le premier tour et qui se prévalait de dix années de réalisations accomplies pour la population ouvrière.

En effet, avec des conseillers municipaux essentiellement ouvriers, Georges Marrane mena, pendant tout l'entre-deux-guerres, une politique municipale qu'il voulut exemplaire et qui fit de lui le secrétaire de la Fédération des municipalités ouvrières et paysannes (1934). Avec ses adjoints, tout particulièrement Jean Mazet, Hippolyte Marquès, Joseph Micalef, Louis Bertrand, Venise Gosnat (voir ces noms), il développa un système d'assistance et d'aide sociale. Co-président de la Fédération sportive du travail (FSGT), à partir de 1934, passionné de sport lui-même, il le favorisa autour de l'Union sportive du travail d'Ivry (USTI). Mais ce sont les réalisations en matière de logements et d'équipements, sur lesquelles il choisit de mettre l'accent, qui furent les plus marquantes. Aux premières habitations à bon marché du groupe Philibert Pompée achevées en 1928, succéda le groupe Denis Papin puis la première tranche de la cité Marat.

Georges Marrane plaça ses mandats sous le signe de la lutte politique et se servit de sa tribune au conseil général de la Seine pour défendre les intérêts de la population de la commune qui vivait dans des conditions précaires. Attentif à la défense des droits de la classe ouvrière, il soutint de nombreuses grèves et devint au cours des années de crise économique le porte-parole des sans-emploi.

La Seconde Guerre mondiale allait faire de lui un grand résistant. Le 4 octobre 1939, un décret suspendit la municipalité et instaura une délégation spéciale. Déchu de son mandat le 21 janvier 1940, Georges Marrane entra alors dans la clandestinité, déploya une activité considérable et fut chargé de réorganiser le Parti communiste dans la région lyonnaise, à Toulouse et Marseille. Puis, réfugié en Corrèze et en Haute-Vienne avec sa famille, il participa à la fondation d'un des plus importants mouvements de Résistance : le "Front national de lutte pour l'indépendance de la France" qui fut créé en mai 1941 et dont il devint un des dirigeants en zone sud. Sous le patronyme de Gaston, il multiplia les contacts avec les personnalités les plus diverses de la Résistance et constitua le comité directeur du Front national. Émmanuel d'Astier de la Vigerie qui le rencontra au cours de l'année 1941 devait dire de lui : "Il ne voit pas les arbres, lui : il voit la forêt Parce qu'il appartient à un parti qui connaît le prix de la lutte clandestine-quand ce prix se paie en liberté et en vies- il chemine avec prudence et le sang-froid que donnent une tradition et une préméditation".

Georges Marrane mit sur pied un certain nombre de sections du Front national et instaura des comités populaires avec des responsables départementaux et locaux. Ce fut lui, qui pendant trois ans, assura la liaison entre le Comité central clandestin du Parti communiste et les autres mouvements de résistance. Léo Hamon qui fut l'un de ses interlocuteurs écrivit plus tard : "Lyon était vous le savez la capitale de la Résistance en zone sud. J'avais envoyé là-bas Marrane, ou plutôt Gaston comme on l'appelait. D'autres l'appelaient aussi Vercingétorix à cause de ses superbes moustaches. Il avait également ceci de remarquable qu'il arrivait toujours à vélo. En train, il ne descendait jamais dans les grandes gares –les communistes avaient une technique de la clandestinité très supérieure à la nôtre- mais à la dernière étape où il n'y avait pas, en général, de contrôle. De là, il gagnait la ville à vélo".

Il revint le 15 août 1944 dans la région parisienne, signa avec les élus communistes de la Seine et de la Seine-et-Oise un appel à l'insurrection et fut désigné vice-président du comité parisien de Libération. À ce titre, il prononça une allocution lorsque le général de Gaulle arriva le 25 août à l'hôtel-de-ville de Paris où il déclara : "Le comité parisien de Libération est fier de vous accueillir dans cet hôtel-de-ville reconquis par le peuple de Paris. Suivant les directives que vous avez données comme chef du gouvernement, le comité parisien de Libération en accord avec le Conseil national de la Résistance a lancé le 19 août, le mot d'ordre d'insurrection nationale. Il a été suivi avec enthousiasme par une population qui a ressenti profondément dans son âme et dans sa chair la honte infligée à sa ville par la présence des hordes hitlériennes et qui n'a jamais cessé de lutter avec la certitude de la victoire finale".

Le 8 septembre 1944, le comité local de Libération présidé par Venise Gosnat (voir ce nom) nomma Georges Marrane maire. Les Ivryens le réélirent lors des élections municipales d'avril 1945 à la tête d'une liste "d'union républicaine" qui rassemblait d'anciens élus et des représentants locaux de la Résistance. Il fut lui-même porte-parole du Front national à l'Assemblée consultative provisoire qui siégea jusqu'au 21 octobre 1945.

Georges Marrane fut ensuite constamment plébiscité : maire jusqu'en 1965, conseiller général de 1946 à 1967, conseiller de la République de 1947 à 1967, député et vice-président du groupe communiste de 1956 à 1958, sénateur de 1959 à 1968. Il transmit le flambeau à Jacques Laloë après les élections municipales de mars 1965. Maire honoraire, il mourut le 27 août 1976. Le 16 décembre suivant, le conseil municipal décida de donner à l'esplanade de la mairie le nom de Georges Marrane "patriote, administrateur, homme d'État, militant communiste".

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