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Un chœur de trente Ivryennes et Ivryens fait partie de la distribution de la pièce (ici en répétition). © Mairie d'Ivry-sur-Seine - Michael Lombroso

Sur les planches de la salle de répétition, des hommes et des femmes se pressent en tous sens comme dans le hall d’une gare. Une jeune fille tire une valise rouge à roulettes. Ce 16 décembre, trente Ivryens participent à l’atelier proposé par le Théâtre des quartiers d’Ivry dans le cadre de la résidence de création de Sébastien Kheroufi, nouvel artiste associé au TQI. Le jeune metteur en scène présente Par les Villages de Peter Handke du 31 janvier au 11 février, avec des acteurs professionnels et un chœur d’habitants.

« Lors de la première séance, nous devions apporter un objet ou un texte important pour nous. J’ai tout de suite pensé à ma valise, celle avec laquelle j’ai quitté mon Auvergne natale à 18 ans pour venir faire mes études à Paris, confie Amélie, 29 ans, devenue professeure d’histoire-géographie. Maintenant je suis d’ici et mon histoire fait écho à beaucoup d’autres ». Ainsi, à ses côtés, une femme parle de la Roumanie à travers l’actrice Rona Hartner, une autre montre un passeport marocain, une autre encore fredonne Ya rayah, un chant d’exilé...

Contre les préjugés

Écrite en 1981 par l’Autrichien Peter Handke, la pièce Par les villages parle de ceux qui quittent leur lieu d’origine et de ceux qui y demeurent. Un frère a rejoint la ville où il est devenu écrivain. L’autre frère et la sœur sont restés et sont devenus ouvrier et vendeuse. Quand celui qui était parti revient, un abîme s’est creusé au sein de la fratrie. « Mon enfance s’est déroulée entre l’appartement de ma mère dans une cité des Hauts-de-Seine et la chambre de mon père, dans les foyers Emmaüs de Paris, raconte Sébastien Kheroufi. J’ai cherché ma place entre mes deux cultures : française et algérienne. »

Orienté en BEP mécanique en 4e, deux metteuses en scène croisent son chemin quelques années plus tard et l’incitent à entrer à l’École supérieure d’art dramatique de Paris. « Le texte que je devais apprendre pour le concours, c’était Par les villages ! J’avais 24 ans, je n’avais rien lu avant et il m’a sauvé la vie car il parle de moi. Sans caricature ni pitié, il parle de ceux à qui on ne donne pas la parole, les ouvriers et les vendeuses. Je me suis senti dignement représenté. »

Comme Gregor, le personnage du texte dramatique, Sébastien Kheroufi quitte son milieu, en devenant artiste. Il est alors habité d’un sentiment de gêne voire de trahison quand il revient chez lui, en banlieue. « Il reste à se battre contre les préjugés mais pas dans la frontalité ni le conflit. Mon endroit est artistique. C’est la poésie qui va nous donner la force et la justesse ! », conclut le metteur en scène. Il a tenu à la présence d’habitants sur scène pour confronter son théâtre aux réalités de la banlieue et faire entendre la parole de Hans, celui qui est resté : « Nous, les exploités, les offensés, les humiliés, peut-être sommes-nous le sel de la terre. »

Catherine Mercadier

Par les villages de Peter Handke, mis en scène par Sébastien Kheroufi, au Théâtre des quartiers d’Ivry-CDN du Val-de-Marne, du 31 janvier au 11 février. COMPLET.

Il reste des places pour les représentations du spectacle au centre Georges Pompidou à Paris, du 16 au 18 février. Prenez vos billets ici.

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