Sous la bannière « Liberté, égalité, fraternité – École Maurice Thorez B », une vingtaine de personnes ont déployé leur propre banderole : « Non aux fermetures des classes. » En ce matin du vendredi 8 septembre, ces parents sont en effet en colère. Mardi soir, au lendemain de la rentrée scolaire, ils ont été informés par la directrice de l'école qu'une des classes sera fermée. « D'habitude il y a des fermetures fermes ou conditionnelles annoncées en amont, explique une maman, dont le fils est en CM2. Mais une fermeture sèche aussi tardive, on n'a jamais vu ça ! » La veille, la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) de Thorez B a appelé dans un communiqué « tous les parents qui le peuvent à nous rejoindre pour une mobilisation [...] à 8h30 devant l'école. Nous envisageons l'occupation du bureau de la directrice pour manifester notre opposition totale à ce projet décidé en dernière minute au mépris des besoins de nos enfants et de l'équipe enseignante. »
De fait, rejoint par le maire Philippe Bouyssou et une assistante parlementaire de la députée Mathilde Panot, le groupe décide d'entrer dans l'école. « On va occuper le bureau de la directrice et appeler madame Bazzo [la directrice académique des services de l'éducation nationale du Val-de-Marne, NDLR] pour lui demander de revenir sur sa décision », expliquent les parents.
Une mesure irrationnelle
106 élèves sont potentiellement impactés. Répartis actuellement dans 5 classes, ils passeraient de 21 à 26 par classe. Inadmissible pour ces parents qui rappellent que l'école Maurice Thorez B connaît déjà de nombreuses difficultés. Le communiqué de la FCPE précise qu' « il manque des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) pour aider les enfants à des besoins spécifiques. L'école héberge le dispositif désectorisé UPE2A [accueil pédagogique pour élèves allophones nouvellement arrivés (non francophones), NDLR] qui est intégré dans les classes de leur âge pour certaines matières, avec des arrivées tout au long de l'année scolaire. » Hélène Soudon, la directrice de l’établissement, confirme : « Je sais d’expérience qu'au cours de l'année, avec le dispositif UPE2A, des élèves vont arriver, ce qui va encore plus surcharger les classes. »
Selon Jean-Baptiste Bennoit du FSU SNUIPP 94, la branche locale du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, « cela fait deux ans que la direction académique prend des décisions sèches à la rentrée ». Il explique ces mesures par les fluctuations d'effectifs du fait d'élèves qui s'inscrivent tardivement, d’où ce réajustement après la rentrée. Sur le département, ce sont, d'après son syndicat, 20 fermetures de classe qui sont intervenues après cette rentrée scolaire.
Alors qu'une discussion s'engage dans l'entrée de l'école, une habitante interpelle le maire : « Et vous à la mairie, qu'est-ce que vous pouvez faire ? » ; « Notre rôle est d'intervenir politiquement en saisissant Mme Bazzo en charge de la répartition des moyens sur le département, lui répond Philippe Bouyssou. Nous lui avons envoyé des courriers. Avec la mobilisation des syndicats d'enseignants, et maintenant des parents d'élèves, j'ai bon espoir qu'elle prenne très vite une décision. »
L’école publique malade
Une maman résume à elle seule le sentiment partagé par l'ensemble des parents et des enseignants présents : « On nivelle par le bas l'école publique. »Et alors que le groupe se dirige indubitablement vers le bureau de la directrice, le maire reçoit un coup de fil. C'est la direction académique. La décision est tombée : fermeture annulée.« Je vous promets, rien n'est scénarisé ! », précise le maire dans les rires et les applaudissements de soulagement. Le groupe ne s’attarde pas, beaucoup de parents ont en effet pris sur leur temps de travail pour participer à cette mobilisation.
« Ici, on la chance d'être dans un quartier de mixité sociale, pointe une mère d'élève. Les parents connaissent leurs droits, mais imaginez dans un quartier moins favorisé... C'est vraiment une école à deux vitesses. » Avec l'insuffisance d'AESH, de psychologues scolaires, la fermeture de classe a été la goutte de trop. Pour les parents, la vigilance demeure dans une école de la République où les enfants sont comme « des boîtes de conserve devenues les rouages d'une gestion logistique ».
Weilian Zhu