Après plus d’un mois de préparation, les joueurs de l’USI Handball ont disputé leur premier match officiel le 30 août, avec un déplacement sur le parquet de Sélestat (Bas-Rhin) pour les 16e de finale de Coupe de France. À cette occasion, le club nous a ouvert ses portes et nous avons pu partager tous ces moments avec les joueurs et le staff.
Mercredi 30 août, 9h05, Paris gare de l’Est.
« Regarde, c’est Didier Dinart ! ». Si les grands gaillards en survêtements noir siglés US Ivry Handball détonent dans le flot des voyageurs, c’est bien leur coach qui attire les regards dans le grand hall de la gare. Il y a ceux qui se retournent vers lui en ouvrant des grands yeux avant de poursuivre leur chemin, et d’autres plus téméraires qui osent demander une photo. Comme ce contrôleur de la SNCF ravi de cette rencontre inattendue ou ce jeune trentenaire, les joues rougies par la timidité, poussé par sa copine vers le double champion olympique. Didier Dinart se prête au jeu avec le sourire, avant de se diriger vers le TGV avec ses joueurs. Direction Sélestat, via Strasbourg.
Durant le trajet, beaucoup s’occupent en regardant des vidéos sur leur smartphone, casque sur les oreilles. Antonin Mohamed et David Bernard en profitent pour dormir, capuche sur la tête. Un petit groupe composé de Maté Sunjic, Simon Ooms et Jesper Dahl préfère passer le temps au wagon-bar, cafés en mains. C’est Emmanuel Dott, entraîneur-adjoint et responsable du centre de formation, qui est en charge d’organiser les déplacements de l’équipe première. « Nous connaissons les dates des matchs cinq semaines à l’avance. On cherche alors le voyage le plus optimal, entre le confort des joueurs et la charge budgétaire. Les frais de transport et d’hébergement ont augmenté après la crise du Covid, et la Ligue ne nous donne aucune aide financière pour les matchs à l’extérieur. Tous les déplacements de moins de 3h30 – Dijon, Cesson, Dunkerque, Nantes – se font en minibus car c’est beaucoup moins cher. Les autres déplacements se font en train, sauf pour aller à Toulouse et Saint-Raphaël où nous prenons l’avion. »
À Ivry, deuxième plus petit budget du championnat (3,1 M d’€), on compte ses sous , donc tout est optimisé. Pour dormir, le club oscille entre hôtels deux et trois étoiles. Pour le train, c’est 1ère classe à l’aller pour arriver au match dans les meilleures conditions, mais le retour se fait parfois en seconde classe. On est loin des déplacements d’un club professionnel de football !
Sélestat, 12h.
Comme un clin d’œil aux valeurs du club, c’est à l’hôtel des Humanistes que les Ivryens prennent leurs quartiers. L’établissement est situé non loin du château du Haut-Koenigsbourg et d’un parc d’attractions dédié à un célèbre oiseau d’Alsace. Les cigognes qui ont d’ailleurs apporté à Ivry de beaux bébés lors du mercato : Dylan Garain (arrière gauche, ex-Tremblay), Ronaldo Almeida (arrière droit, prêté deux ans par le Sporting Lisbonne) et Gautier Loredon (pivot, prêté un an par le PSG) dépassent tous 1,95 m et 100 kilos. Même dans des lits king size, difficile de ne pas avoir les pieds qui dépassent du matelas ! L’hôtel, excentré, ne permettra pas aux joueurs de faire quelques pas dans le joli centre-ville de Sélestat, typiquement alsacien.
L’heure est de toute façon au déjeuner. Les joueurs sont attablés ensemble sur une table en long, quand le staff mange sur une autre table à côté. Crudités, viande blanche et féculents… Le menu est immuable, comme l’ordre de passage au buffet : les joueurs d’abord, les entraîneurs ensuite. Le staff qui s’agace d’ailleurs, alors que le steak de soja d’Auguste Longérinas et le poisson d’Antonin Mohamed tardent à être servis. L’ambiance est souriante mais studieuse. Avant de quitter le buffet, Nicolas, l’intendant du club, en profite pour faire le plein de barres de céréales et de fruits secs pour le match.
Le repas terminé, les joueurs ont trois heures devant eux avant la collation de 17h30. Certains vont passer entre les mains de Julia, l’une des trois kinés qui se relaient auprès de l’équipe pendant la saison. D’autres vont en profiter pour dormir. « Il y en a qui font la sieste dans le train et en refont une à l’hôtel », balance en souriant Léo Martinez.
Hôtel des Humanistes, 18h.
Après la collation et avant le départ vers le lieu du match, Didier Dinart fait une dernière causerie. Le coach rappelle les consignes tactiques et, s’appuyant sur les difficultés du PSG la veille à Frontignan, appelle ses joueurs à ne surtout pas sous-estimer Sélestat, redescendu en deuxième division.
À 18h54, le convoi s’ébroue vers le complexe sportif municipal. Dans le car, la concentration se lit sur les visages. Les joueurs entrent doucement dans leur match. Arrivé sur les lieux, le capitaine Maté Sunjic se dirige immédiatement vers le parquet pour s’imprégner de la salle de 2 300 places. Une habitude. « J’aime bien y passer quelques temps avant de me préparer. Ici, c’est une belle salle », déclare-t-il en balayant du regard les gradins encore vides. Emmanuel Dott, ancien du club alsacien, en profite pour saluer d’anciennes connaissances.
Des basses et des beats commencent à s’échapper du vestiaire visiteur. On s’habille en musique, et en rythme avant de rejoindre le parquet pour l’échauffement. Du rythme, il en a le jeune gardien David Bernard en sautant à la corde façon Rocky Balboa. Léo Martinez, lui, interpelle la kiné pour un léger massage de l’adducteur gauche. La pression monte dans le gymnase, mais descend dans les verres des supporters locaux qui patientent dehors, sur le parvis. Prêtent-ils une oreille au chanteur qui enchaîne les tubes français des années 80 au milieu des odeurs de merguez et de flammenküche ? Dans quelques minutes, à 20h30, l’USI Handball va enfin démarrer sa saison !
Complexe sportif de Sélestat, 21h50.
Trop de pertes de balles, trop de tirs ratés, d’indiscipline et d’enchaînements tarabiscotés comme des bretzels… L’US Ivry s’incline 29-25. Dans le vestiaire, les têtes sont basses, les regards vidés par la déception. Didier Dinart n’élève pas la voix. Pas besoin, tant son regard et ses mots sont suffisamment clairs : il faudra en montrer beaucoup plus aux prochains matchs !
En partant, le coach claque la bise et échange quelques mots avec Andreï Lavrov, venu en voisin. Le légendaire gardien de but russe avait remporté la Coupe de France avec Ivry en 1996. Si personne n’imaginait que les Rouges et noirs puissent gagner l’édition 2023, les voir la quitter ainsi dès le premier tour passe mal auprès du coach.
« On peut perdre, mais avec la manière, pas comme ce soir, regrettait Didier Dinart après le match. L’équipe a été méconnaissable. On n’a pas joué ! L’an dernier, on est venu ici avec une équipe diminuée avec beaucoup de blessés, on avait respecté les consignes et ça s’était bien passé, alors qu’est-ce qui explique ce non-match d’aujourd’hui ? Parfois, il n’y a pas d’explications. Le caractère d’une équipe ça se construit aussi dans la difficulté, donc ce match doit servir d’exemple : les joueurs doivent être plus intransigeants et ne pas accepter certaines choses, même vis-à-vis d’un partenaire. Il faut être capable de se dire plus les choses et de se ressaisir durant la rencontre. À la 55e minute du match, j’ai des joueurs motivés à ne pas perdre. Mais ce comportement de fin de match on doit l'avoir dès la première minute, pour espérer faire la différence. Car si on est juste en réaction, c’est du quitte ou double. »
Jeudi 31 août, 6h15.
La nuit a été courte et les joueurs affichent des petits yeux, seuls dans le hall de l’hôtel à peine éclairé. Mais pourquoi s’infliger un réveil aussi matinal ? « Les joueurs ne dorment quasiment pas après un match, donc ils préfèrent rentrer plus tôt chez eux », explique Emmanuel Dott. Vu l’horaire, il faut faire l’impasse sur le petit-déjeuner pour se rendre vite en gare. Avant de monter à bord du TGV, on découvre au kiosque à journaux que la victoire des locaux s’affiche en Une des Dernières nouvelles d’Alsace. « Sélestat renverse Ivry », écrit le quotidien régional.
Dans le train qui les ramène à Paris, les Ivryens replongent dans leur sommeil. Sauf Maté Sunjic, que l’on retrouve au wagon-bar. Après 20 ans au plus haut niveau, le gardien de but assure ne pas en voir pas marre des déplacements, malgré un indéniable côté routinier. « Mais c’est vrai que, même si sportivement ce n’était pas satisfaisant, ça a fait du bien de découvrir d’autres villes l’année où on a joué en deuxième division (en 2021-2022) », concède-t-il dans un sourire.
En posant le pied sur le quai de la gare de l’Est, les Rouges et noirs avaient sûrement en tête leur prochain déplacement. Ce sera dès le 9 septembre à Dijon, pour le premier match de championnat. Leur voyage pour une 66e saison dans l’élite commencera là.
Philippe Gril