L’histoire, c’est celle de Martin, un jeune homme à la recherche de son père inconnu et dont l’enquête le conduit dans un foyer de migrants retraités. Il y rencontre El Hadj, Majid, Hamid, Sheriff, Driss… Des « chibanis » que l’on voit vivre en direct, se débrouiller avec leur quotidien, leurs petites habitudes, leurs manies, leurs phobies et tous ces réflexes conditionnés qui en disent tellement sur leur parcours.

Les « chibanis » (« cheveux blancs » en arabe) désignent les vieux travailleurs immigrés, arrivés d’Algérie pendant les Trente glorieuses (1945-1975). En France, ils ont travaillé dur, encaissé nombre d’humiliations. Désormais retraités, ils ne sont pas rentrés pour des raisons diverses au pays de leur jeunesse. Ils vieillissent en France, seuls, inaperçus, « invisibles »…

Pour écrire cette pièce, Nasser Djemaï a souhaité aller plus loin que les souvenirs de sa propre histoire familiale. Ce qui a nécessité « près d’une année de travail avec des associations, des foyers, des cafés sociaux, des mosquées…», raconte-t-il. Il est parti à la rencontre de ces hommes et des personnes qui les accompagnent - médiateurs, assistantes sociales - « pour se rapprocher le plus possible de ces hommes qui ne parlent pas, ou très peu, gagner leur confiance, afin de mieux connaître leurs conditions de vie, recueillir des histoires, des souvenirs d’enfance, des expériences... ».

Créée en 2011 à Grenoble, Invisibles est la première pièce d’une trilogie qui compte ensuite Vertiges (2017) puis Héritiers (2020), jouée en septembre dernier au TQI. Elle a valu à Nasser Djemaï trois nominations aux Molières 2014 dans les catégories Auteur francophone, Metteur en scène de théâtre public et Spectacle théâtre public, ainsi que le prix Nouveau talent théâtre de la SACD. Le texte a été publié chez Actes Sud Papiers.

En offrant une visibilité inespérée aux chibanis, la pièce fait plus que leur rendre hommage : elle leur accorde une incontestable dignité.

Clara Delpas