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L’accrochage de la série des Queer Paintings se rapproche de celui adopté en 1993 au Filmmuseum de Potsdam. © Marie-Pierre Dieterlé

Le triptyque est glaçant. Traversées d’un dégradé allant d’un bleu-vert sombre à un rouge brûlant, les trois toiles sont balafrées des mots Love, Sex, Death (« amour, sexe, mort »). La même rage est à l’œuvre dans les dix-sept Queer Paintings dont le tableau est issu. La série a été réalisée en deux semaines, en 1992, deux ans avant la mort de son auteur, Derek Jarman, emporté par le Sida. L’urgence et la colère y sont palpables. De grands formats ont pour fond les Unes homophobes et mensongères des tabloïds anglais de l’époque, que le peintre barre de slogans coups de poing, crus et politiques. « J’ai peint ces tableaux sans espoir et avec des rires sauvages », écrivait l’artiste protéiforme puisqu’il était aussi acteur, scénariste, réalisateur, musicien, jardinier... Outre trois films super 8 des années 70, l’exposition du Crédac Dead souls whisper (« Les âmes mortes chuchotent ») présente les dernières années du travail de Derek Jarman, de 1986 à 1993.

Transmutation

Les pièces de la série Black Paintings sont plus sentimentales et intimes. Derek Jarman les a réalisées au milieu des années 80, quand il apprendra et rendra publique sa séropositivité. Noires et or, constituées d’objets trouvés sur une plage du Kent (bois flottés, verre brisé, ampoules, fleurs séchées, photos...) elles ressemblent à de petits ex-votos soignés. En effet, elles évoquent à la fois la maladie (utilisation de préservatifs et de thermomètres) et la religion (une bible, un petit bénitier...), contre laquelle le Britannique avait la dent dure. Il s’agit ici peut-être plus de transmutation, comme en alchimie où l’on cherche à changer le plomb en or, que d’élévation ou d’illumination.

C’est la deuxième fois, après la rétrospective consacrée à Bruno Pélassy en 2015, que le Crédac présente une exposition posthume. « Il nous paraît essentiel qu’un centre d’art éclaire l’œuvre vivante d’un artiste disparu, porteuse de messages aussi intimes que collectifs, écrit Claire Le Restif, directrice du lieu. Cette exposition rappelle que si la société avance, c’est bien souvent aux minorités qu’elle le doit. »

Thomas Portier

Dead souls whisper, jusqu’au 19 décembre 2021 au Crédac : Manufacture des Œillets, 1 place Pierre Gosnat.
01 49 60 25 06 / https://credac.fr/ Retrouvez la série d’événements autour de l’exposition ici

 

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