« Yvette nous a quittés à l'heure du lever de rideau au théâtre, à 20h30, le 3 novembre. C'était une belle personnalité, très sincère et généreuse qui était devenue comédienne à 40 ans, accomplissant alors le rêve qu'elle avait toujours eu : pouvoir s'exprimer sur scène ! », confie avec beaucoup de tristesse son amie Isabelle Labrousse, également comédienne et metteure en scène, co-créatrice de la compagnie théâtrale Kokoya internationale qu'Yvette Bruneau-Thénard avait rejoint dans les années 2000.

Le parcours de cette femme engagée, connue pour son franc-parler, est intimement lié à la cité Gagarine où elle a vécu de 1999 à 2016. « Je suis arrivée dans la cité Gagarine le 31 décembre 1999, le jour de la méga-tempête qui a déraciné l'arbre de la liberté planté par Youri Gagarine lui-même !, nous avait-elle rapporté dans le magazine Ivry ma ville de janvier 2019.  Plus tard, j'y ai vu un symbole. J'emménageais à 40 ans alors que j'étais en grande difficulté financière. Comme cet arbre, je devais me redresser ! C'est ce qui s'est passé. Pourtant je trouvais au départ tout moche : pas de verdure et deux énormes blocs de béton en forme de T. »

Théâtre et dignité

Peu après son arrivée à Ivry, elle délaisse son précédent métier de secrétaire de direction par intérim et renoue avec ses premières amours : le théâtre. Elle se forme à la production de spectacles, et suit un cycle sur le travail d'acteur au théâtre Romain Rolland de Villejuif. En 2005, elle présente sa première création sur l'histoire de Gagarine à partir des témoignages de ses voisins. « Quand nous l'avons joué, j'ai enfin vu la banane sur le visage des habitants ! Ils souriaient alors que tout ce qui avait trait à leur cité les déprimait jusque-là.», s'était-elle souvenue avec émotion.

Depuis cette expérience, elle avait multiplié les projets et développé les formes de « théâtre-débat-action » au sein du quartier. Elle libérait ainsi la parole des habitants, favorisant la discussion et le vivre-ensemble. Elle avait aussi mis en scène des parallèles entre des œuvres du répertoire, comme L'Avare ou Roméo et Juliette, et des situations vécues par les habitants. « Elle voulait redonner aux gens leur dignité, qu'ils prennent confiance, se réconcilient avec eux-mêmes et deviennent acteurs de leur propre vie », conclut Isabelle Labrousse. Un magnifique programme largement inspiré certainement par le vécu d'Yvette Bruneau-Thénard. Chapeau bas l'artiste pour cette leçon de théâtre et de vie !

Catherine Mercadier