Ivrymaville hebdo :vous souvenez-vous de votre premier match en pro sous les couleurs d’Ivry ?
Benjamin Bataille : « En fait… Non. J’avais fait deux matchs quand j’étais en centre de formation mais je n’en ai pas de souvenirs. Par contre, je me souviens du premier match après mon retour à Ivry [après sa formation à l’USI, il a joué trois saisons à Tremblay, de 2012 à 2015]. C’était important pour moi, parce que je revenais dans le club qui m’a formé, où j’ai commencé à l’âge de 10 ans. J’avais un peu un sentiment d’échec de ne pas être passé professionnel à Ivry à la fin de ma formation. Revenir m’a procuré de la fierté. J’étais heureux de rendre au club ce qu’il m’avait donné pendant ma formation. »
Mathieu Bataille : « Je ne me souviens plus de mon premier match en pro. Par contre je me souviens de mon premier but : c’était en championnat contre Villefranche-en-Beaujolais [lors de la saison 2007-2008] »
Ivrymaville hebdo : quel est votre meilleur souvenir de toutes ces années ?
Benjamin : « Il n’y a pas un souvenir en particulier. Ivry, c’est une aventure humaine plus que sportive. Surtout qu’il n’y a pas eu de titre en jeu. Mes meilleurs souvenirs, ce sont toutes ces victoires arrachées, où l’on s’est battu en équipe. »
Mathieu : « C’est la finale de la coupe de France à Bercy[perdue contre Montpellier, en 2012]. Mais aussi la victoire à Montpellier l’année dernière après 10 ans de défaites là-bas. Plus globalement, ce sont toutes les années passés avec des amis, et avec mon frère. »
Pas un coéquipier comme un autre
Ivrymaville hebdo : jouer avec son frère, c’est forcément particulier…
Benjamin : « Nous avons cinq ans d’écart donc on ne se croisait pas chez les jeunes. Évoluer avec lui, ça a toujours été une envie. C’est un objectif qui s’est réalisé. Quand tu es le petit frère, tu as envie de jouer avec ton aîné, alors y arriver dans notre club formateur, en professionnel, dans le meilleur championnat du monde, c’est particulier et c’est une grande réussite. »
Mathieu : « Quand on était plus jeunes on en rêvait un peu. Nous ne nous sommes jamais dit qu’il fallait absolument jouer ensemble, mais quand les conditions pouvaient être réunies on a fait en sorte que cela se concrétise. Quand Ivry s’est montrée intéressée, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour qu’il vienne. Ce n’est pas un coéquipier comme un autre, et c’est très bien comme ça parce que c’est ainsi qu’on a construit une meilleure complicité, une meilleure relation sur le terrain. On a réussi à bien se trouver, beaucoup plus vite qu’avec les autres joueurs avec lesquels j’ai pu jouer. Le seul avec qui j’ai pu m’entendre aussi vite et aussi bien, c’était avec Sebastian Simonet. »
Ivrymaville hebdo : votre pire souvenir ?
Benjamin : « L’an dernier quand on a enchaîné 10 défaites consécutives après la victoire à Montpellier… On frôle la descente [Ivry termine à la 12e place sur 14, à un point de la relégation]. C’était une période pas évidente, même si nous n’avons jamais baissé la tête et que nous avons continué à nous battre. »
Mathieu : « La pire saison, ce n’est pas forcément celle où on descend [en 2014]. C’est celle où on perd nos dix derniers matchs, où l’on joue complètement à l’envers... L’année où on descend, nous n’avons pas si mal joué que ça, avec beaucoup de défaites par un seul but d’écart.
Ivry, comme une petite famille
Ivrymaville hebdo : qu’est-ce qui fait d’Ivry un club à part, selon vous ?
Benjamin : « C’est unique en France d’avoir un club avec autant de joueurs formés en son sein. Tout le monde a sa chance. Et puis c’est une petite structure : les joueurs, les bénévoles, tout le monde se connaît. C’est une chance d’évoluer à Ivry pour grandir. »
Mathieu : « Je ne sais pas si c’est un club à part, mais je sais pourquoi c’est un club que j’aime. Le sport business ne l’a pas encore atteint et il garde une dimension humaine. C’est comme une petite famille. Les jeunes sont valorisés. Si on s’investit, si on se bat, on sait qu’on aura sa chance. »
Ivrymaville hebdo : comment voyez-vous l’avenir du club ?
Benjamin : « J’aurai toujours un œil sur Ivry. Je suis fier de partir en le laissant en division 1. Le club va devoir continuer de se réinventer et de faire jouer les jeunes, car le budget a du mal à suivre par rapport aux concurrents. L’arme d’Ivry, c’est de continuer de former et de donner leur chance à des jeunes qui vont éclore et faire en sorte de le maintenir en première division. Le club est dans une phase de transition avec pas mal de départs de cadres ces dernières années : François-Xavier Chapon, Rémy Gervelas, Fabian Ruiz, mon frère et moi... Une page s’est tournée et ceux qui sont là doivent prendre le relais pour écrire une nouvelle page de son histoire. »
Mathieu : « Tout évolue très vite donc c’est un peu difficile de répondre. J’espère que le club restera en D1, continuera à former des jeunes et restera important dans le paysage du handball français comme il l’est depuis 70 ans. »
Ivrymaville hebdo : pourquoi avoir décidé de partir ?
Benjamin : « C’est difficile de dire non à Montpellier, qui m’offre de nouvelles perspectives : jouer la coupe d’Europe, envisager de gagner des titres, jouer le très haut niveau… C’est une occasion comme on peut en n’avoir qu’une dans sa carrière, donc il ne fallait pas la laisser passer. »
Mathieu : « C’est l’occasion. J’aurais pu partir plus tôt, ou ne pas partir du tout. Je me sens bien à Ivry, où je joue – pardon, je jouais – depuis mes 10 ans. C’était un peu chez moi. Ça se passait bien sur le terrain et dans ma vie personnelle. Le club voulait me garder. Si je pars c’est pour vivre une nouvelle expérience et m’approcher du très haut niveau. À Nantes, ils ont montré qu’ils me voulaient vraiment et quand on a un esprit de compétition, on ne réfléchit pas trop devant ce type de proposition. Je fais aussi ce sport pour faire des matchs comme ceux que je ferai l’année prochaine. »
On aurait aimé finir avec une petite fête
Ivrymaville hebdo : avez-vous des regrets ?
Benjamin : « Ne pas avoir pu disputer une finale ou gagner de titre. Nous avons joué un Final 4 de coupe de la Ligue [l’année dernière, défaite en demi-finale contre Paris]. Ne pas avoir apporté un trophée à Ivry, c’est mon plus gros regret. Après, le club m’a permis de vivre beaucoup de choses sur le plan sportif et personnel. C’est un peu dommage que ça finisse comme ça (fin de saison annulée à cause du coronavirus), même si on relativise vu ce qu’il se passe aujourd’hui. C’est sûr qu’on aurait aimé finir avec une petite fête à Delaune avec tout le club, les supporters et les bénévoles. Reste que je suis content de ma fin de saison à Ivry, avec trois très gros matchs [8 buts à Montpellier, 13 et 14 buts à domicile contre Saint-Raphaël et Toulouse]. Je suis heureux de partir en laissant cette image de quelqu’un qui se bat. »
Mathieu : « Non, je n’ai absolument aucun regret. Je ne suis pas du genre à en avoir et à regarder derrière. J’aurais bien aimé gagner un titre, mais ce n’est pas un regret car nous avons donné tout ce que nous pouvions pour atteindre les marches les plus hautes. Nous n’avons pas réussi, c’est comme ça.
Ivrymaville hebdo : ne pas avoir pu faire de petite fête à Delaune pour vos adieux (à cause du coronavirus), ce n’est pas un regret ?
Mathieu : « C’est vrai que ça aurait pu être sympa. En même temps, même si ça marque le coup ce n’est pas le plus important. Je n’ai pas besoin de lumière ou de remerciement. Je sais ce que je dois au club et le club sait ce qu’il me doit. C’est juste dommage pour les supporters, j’aurai aimé leur dire au revoir, leur taper dans la main et échanger quelques mots. Avec le club on s’est dit les choses et tout est clair : je sais que je leur dois énormément, eux savent que j’ai beaucoup donné pour le garder là où il est. Pour moi, c’est le plus important. »
Ivrymaville hebdo : un petit mot pour les supporters Rouge et Noir ?
Benjamin : « Continuer comme vous le faîtes, à pousser ce club qui le mérite. »
Mathieu : « J’espère qu’ils vont continuer à supporter l’équipe aussi fort qu’ils le font depuis toutes ces années, et peut-être même encore plus parce que le niveau est chaque année plus relevé. Je compter sur eux pour soutenir l’équipe très fort. Je les remercie aussi pour tous ces encouragements pendant ces 12 ans. »
Philippe Gril
Mathieu Bataille :
32 ans. Pivot. Formé à l’US Ivry Handball. 261 matchs de Starligue (championnat) avec Ivry, 479 buts. Finaliste de la coupe de France en 2007. Champion de Proligue (deuxième division) en 2015.
Benjamin Bataille :
27 ans. Arrière gauche ou demi-centre. Formé à l’US Ivry Handball. 109 matchs de Starligue avec Ivry, 406 buts.