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Le jeune acteur Alséni Bathily incarne Youri Gagarine. © Haut et court

Ivry ma ville hebdo : Votre fiction Gagarine, tournée l’été dernier dans la cité du même nom à Ivry, a été choisi en sélection officielle au Festival de Cannes. Que représente cette distinction ?

Fanny Liatard et Jérémy Trouilh :Nous sommes ravis de figurer dans la sélection officielle pour notre premier long-métrage. Nous sommes forcément un peu déçus car le Festival de Cannes a été annulé dans sa forme traditionnelle et physique. Il est virtuel et nous confère le label Cannes 2020. Mais nous aurions rêvé nous rendre au festival avec toute l’équipe du film et les habitants de la cité. Nous aurions monté ensemble les fameuses marches. Nous mettrons un tapis rouge à Ivry où nous espérons pouvoir montrer le film en avant-première et nous offrir une belle séance de cinéma !

Ivry ma ville hebdo : Quelle est la genèse de votre film ?

Jérémy Trouilh : Fanny et moi, nous sommes amis depuis longtemps, nous nous sommes rencontrés à Sciences Po Bordeaux* mais nous ne savions pas que nous pourrions devenir réalisateurs. Après nos études, nous avons tous les deux suivis des formations complémentaires en écriture de scénario pour Fanny et en documentaire pour moi, ce qui nous a donné envie de faire des films.

Fanny Liatard :Quand nous avons découvert cette barre de briques rouges, nous avons été happés ! C’est un symbole de modernité et de progrès social, un lieu chargé de mémoires et d’histoires, d’utopies collectives dont toute société a besoin ! Youri Gagarine a été le premier homme à être allé dans l’espace puis il est venu en banlieue, inaugurer des cités, des équipements sportifs… Or cette cité va disparaître. À la demande d’amis architectes, nous avons réalisé un documentaire avec les habitants sur les raisons de la démolition. Mais nous voulions aussi raconter cette histoire à travers une fiction, un court-métrage en 2015, devenu un long en 2020.  

Ivry ma ville hebdo : Quel est le sujet de votre long-métrage ?

Fanny Liatard :C’est l’histoire d’un jeune homme prénommé Youri, encore adolescent, passionné par les étoiles et le cosmos. Il refuse de quitter sa cité qu’il perçoit comme un vaisseau spatial. En résistant, il devient notre héros. Notre scénario s’est nourri des nombreuses rencontres avec les habitants sur place et à la Maison de quartier où nous avons été en résidence d’écriture durant six mois. Certains locataires jouent dans le film. Notre mise en scène est, elle, imprégnée par le cinéma de science-fiction comme 2001, l’odyssée de l’espace. Elle est aussi marquée par le réalisme magique, très présent en Amérique latine où nous avons vécu.

Jérémy Trouilh :Nous avons réalisé ce film pour montrer les rêves des jeunes. Youri Gagarine n’est pas une référence directe pour eux aujourd’hui, mais l’espace et le cosmos nourrissent encore beaucoup d’imaginaires. Avant le long-métrage, nous avons réalisé un court-métrage intitulé Sarah, reviens ! avec une quinzaine de jeunes Ivryens âgés de 12 à 25 ans. C’était très enthousiasmant de les voir exprimer leurs désirs profonds et leurs projets d’avenir. Politiquement, il y urgence à porter un autre regard sur cette jeunesse très riche et très diverse que l’on représente souvent avec un avenir bouché et par des images négatives. Ces clichés font beaucoup de mal, il faut les déconstruire ! C’est surtout pour cela que nous avons réalisé Gagarine.

Propos recueillis par Catherine Mercadier

*Institut d'études politiques de Bordeaux.

Sortie officielle du film Gagarine en février 2021. Nous vous présenterons la bande-annonce en fin de semaine dès qu’elle sera terminée.

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