Comment Le Luxy a décidé de vivre son confinement ?

Quand les cinémas ont dû fermer dès le samedi 14 mars au soir, quelques jours avant le confinement, très spontanément, nous nous sommes dits que nous ne pouvions arrêter là ! On ne peut être autant en lien avec des spectateurs et, tout d’un coup, pendant des semaines, fermer comme si de rien était. Ce partage, cette relation ne pouvaient pas s’interrompre parce que le lieu était physiquement fermé.

C’est un peu comme si, sous prétexte que nous n’ayons plus le droit de sortir de chez nous, nous n’allions pas téléphoner à notre famille, à nos copains ! Pour moi, cela relève de la même chose : d’une communauté de proches. Celle des spectateurs du Luxy, celle de ses adhérents détenteurs de la carte « Les Amis du Luxy ». Alors, bien sûr, nous sommes chacun chez nous, mais nous sommes quand même reliés. Et ce qui nous relie, c’est le cinéma. Nous ne cessons toute l’année de faire faire des découvertes, alors nous devions continuer à le faire.

Concrètement, qu’avez-vous mis en place ?

Nous avons lancé Et le cinéma continue…, une newsletter qui comprend des liens vers une sélection de films à découvrir. Notre premier envoi est parti le mercredi 18 mars avec une proposition de trois courts-métrages. C’était un peu un geste comme cela... Nous ne savions absolument pas si nous aurions la capacité de tenir sur la durée. Après ce premier envoi, nous avons reçu au moins une cinquantaine de messages : « Super ! Merci ! » Là-dessus, nous nous sommes dit « OK, là, on va embrayer et continuer ».

Depuis, nous en sommes à six newsletters par semaine. Ce qui fait que rien que les quatre premières semaines, nous avons envoyé au total des liens vers une soixantaine de films. Des films pour adultes mais aussi pour enfants.

Il y a donc la newsletter Et le cinéma continue…, tous publics, adressée deux fois par semaine, qui émane de l’équipe du Luxy. Il y a Et le cinéma continue… avec nos amis, expédiée également deux fois par semaine et qui recense des propositions de nos partenaires : L’Agence du court-métrage, le Centre vidéo de Bruxelles et Documentaires sur grand écran - trois associations qui, par chance, ont décidé de faire la même chose. Et nous proposons également deux newsletters pour jeune public chaque semaine.

À qui sont adressées les newsletters ?

Elles sont expédiées au nom de toute l’équipe aux Amis du Luxy, c’est-à-dire à environ 2 200 adresses mails. Et nous nous sommes aperçus que certains transféraient même nos envois à d’autres Ivryens, mais aussi en dehors d’Ivry ! Nous invitons donc tous les cinéphiles intéressés ànous écrire par mail, et nous les intègrerons dans notre diffusion par mailing list. On vit une période particulière, alors si on peut apporter quelque chose aux autres, qu’ils soient « Amis du Luxy » ou pas, faisons-le !

Comment choisissez-vous les films proposés ?

Depuis le début, nous avons souhaité rester dans la logique qui est celle du Luxy. C’est-à-dire faire des propositions et non pas renvoyer vers des sites aussi qualitatifs soient-ils. Ce qui nous intéresse, c’est de trouver un film et de dire  « Voilà, c’est celui-là que nous vous proposons et vers lequel nous souhaitons orienter votre regard ».  En fait, nous continuons à jouer notre rôle. Et notre rôle, c’est de connaître des films, de les choisir et de les amener vers les spectateurs.

Il fallait que nous envoyions des films libres de droits. Pourquoi ? Parce que dans le contexte actuel où les gens sont bloqués chez eux, il nous a semblé absolument impossible de proposer des choses qui demandent aux spectateurs de payer, c’est-à-dire du VOD. Il nous a semblé important, en tant que service public, que cela soit gratuit.

Le champ des films libres de droits est très serré. Ce sont des films de moins d’une heure, français ou étrangers sous-titrés. Le seul fil conducteur est d’être dans la cohérence de ce que nous faisons d’habitude. Nous présentons des films que nous aimons, quels que soient les thèmes abordés. Cela prend du temps. L’ensemble des propositions adressées chaque semaine représente une quarantaine d’heures de recherches. Les films, il faut aller les chercher !

Et pour les enfants ?

Les enfants sont des spectateurs du Luxy comme les autres. Nous étions un peu frustrés de les avoir laissés tomber. Pour eux, la possibilité de trouver des films libres de droits est encore plus compliquée. Au début, nous étions un peu démunis. Il a fallu fouiller ! Toute l’équipe s’est mobilisée. Nous avons fait notre premier envoi de Et le cinéma continue… pour les enfants également, le 26 mars dernier.

Nous avons imaginé une programmation pour les plus de 6 ans dans la newsletter du mercredi, et une pour les tout-petits, à partir de 3 ans, dans celle du samedi.

Pour les plus grands, nous proposons deux à quatre courts-métrages et, à chaque fois, un atelier « Fais ton cinéma » dans lequel nous donnons une technique pour fabriquer un objet de pré-cinéma, tous ces outils qui ont permis de comprendre comment l’image bouge.

Pour les plus petits, dans « Les ateliers du samedi », nous associons deux films accompagnés d’une fiche et d’une petite activité à faire à la maison, en quelque sorte un « Espace enfant » du Luxy, d’habitude fait au foyer-bar, mais cette fois hors les murs. Les enfants sont invités à nous envoyer les photos de leur réalisation. Cet atelier est accessible uniquement via la newsletter.

Vous avez lancé une conférence téléphonique depuis le 11 avril dernier…

Des spectateurs nous ont dit par retours de mail qu’il était dommage de ne pas pouvoir discuter de nos propositions. Nous nous sommes dit, pourquoi pas ? Une conférence téléphonique ne demande pas d’équipement particulier, juste un téléphone. Et cela passe par un opérateur gratuit. C’est la plus simple manière de pouvoir se retrouver très facilement jusqu’à trente participants. Pour la première, le 11 avril, nous étions quatorze. Tout le monde a pu s’exprimer.

Depuis, chaque samedi à 16h, rendez-vous téléphonique est donné avec cette rencontre que nous avons baptisée : « Le ciné-club du finement ». Pendant plus d’une heure, nous échangeons sur un ou deux films envoyés dans la semaine. Pour participer à la conférence, il suffit de s’inscrire au préalable par mail leluxy@ivry94.fr.

Quid de la future programmation du Luxy ?

Travailler de manière concrète est impossible car personne n’est capable de dire aujourd’hui quand cela va repartir. J’ai un calendrier de sorties de films qui va de fin mai à fin août mais qui n’a aucune valeur ! Cela n’a aucun sens.

Nous, notre travail aujourd’hui est de visionner le plus possible de films dont les distributeurs ont les droits et les supports physiques pour les voir. L’avantage est que quand les choses vont se débloquer, cela va nous permettre d’être opérationnels beaucoup plus vite.

D’ici là, nous allons continuer pendant toute la durée du confinement, et sans doute même plus, à adresser nos newsletters. Car je doute que les salles rouvrent au moment où nous aurons le droit de sortir de chez nous. Nous pouvons être super fiers à Ivry sur la question de l’action du service public. On démontre bien ce que c’est !

Propos recueillis les 10 et 14 avril par Sylvie Moisy.

Vous souhaitez recevoir et visionner la programmation virtuelle du Luxy pour adultes et pour enfants ? Inscrivez-vous par mail à ses newsletters « Et le cinéma continue… ».

Morceaux choisis

Voici une sélection de courts-métrages à découvrir ou à revoir !

- Pour les enfants dès 3 ans : Acorn
- Pour les enfants dès 6 ans : La Traviata

- Pour les adolescents et les adultes, trois films aux styles très différents :
  - We Are Winning Don’t Forget
  - De longs discours dans vos cheveux
  - Les Miettes