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© Photo personnelle

Histoire d’illustrer l’un de ses nouveaux morceaux, Keskejdi, Merlot, chanteur bien connu du quartier Marat-Parmentier (et au-delà !), vient de sortir un clip mettant en scène nombre de ses compatriotes ivryens (voir la vidéo en fin d'article). L’occasion de lui passer la parole, confinée mais loin d’être entravée !

« En ce moment… je fais de la musique. Je vis avec mes deux ados qui doivent être en train de pomper la moitié de l’Internet du pays ! Ma compagne est à l’hôpital depuis deux mois car elle s’est cassée le tibia, donc elle est confinée là-bas. On s’est battu pour qu’elle continue à être soignée à l’hôpital parce que sinon elle risquait de ne plus pouvoir marcher normalement.

Cette pandémie, c’est comme si c’était une autre vie qui commence. On ne pourra pas revenir à la vie d’avant, comme s’il ne s’était rien passé. Il faut qu’on en sorte grandi, au niveau de la société comme personnellement, sur tous les sujets que l’on a soulevé ces dernières années à travers nos luttes : notre consommation, les services publics, les retraités…

On se rend compte que l’urgence, ce sont les grandes entreprises qui la choisissent… Et là, elles ont le nez dans leur merde. Ce ne sont pas les actionnaires qui vont assurer la survie de la société… Alors que les éboueurs, les caissières, tous les invisibles, on ne voit plus qu’eux. On ne voit plus que les gens essentiels.

En tant qu’artiste, ça me pose encore plus la question de mon utilité sociale. On demande un peu aux artistes de remplir ces grandes semaines de néant avec de la poésie, des rythmes, de la musique, histoire d’avoir malgré tout du plaisir et du recul sur les choses. Allez-y les artistes, donnez-nous des outils ! Des choses qui font rêver, des choses à voir, à penser, pour ouvrir nos esprits. Dans des périodes comme celle-ci, on a besoin d’outils.

Dans le cadre d’une création que nous avons fait avec les parents et les enfants d’une école de Thiais, nous postons toutes les semaines une vidéo « à usage interne » et je sens bien que la musique est un support. Le fait d’échanger, de poster des vidéos, maintient un contact entre nous.

Il y a un confinement de classe. Les couches supérieures ont massivement quitté les villes, ce qui met en exergue les dissensions de notre société : il y a ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas. Ça ne veut pas dire que tout le monde aurait dû rester, il s’agit plus d’une observation que d’un jugement. Mes deux activités professionnelles sont la scène et les ateliers dans les écoles, du coup tout est annulé. Ce sont des secteurs qui vont mettre beaucoup de temps à redémarrer. Donc il y a un gros problème social chez les intermittents et les indépendants. Surtout ces derniers qui ne touchent rien ! Et pour les migrants, les Roms, c’est chaud bouillant ! Tout le monde est en péril, mais pour ces gens-là c’est la fin du monde.

À Ivry, je trouve que les gens s’occupent bien les uns des autres. Après, chacun a sa manière d’affronter la situation. Certains attendent que ça se passe devant leur télévision… Trouver la motivation devient un peu plus dur au fur et à mesure du temps qui passe. Nous sommes cloîtrés, donc on se recentre sur ce qu’on avait mis de côté.

Il s’agit de profiter de cette période pour créer et, bien sûr, s’occuper des siens comme tout le monde.

Propos recueillis le 3 avril par Daniel Paris-Clavel

Fin septembre 2020, le projet Nouveaux voisins, réalisé par Merlot avec les résidents du centre d’hébergement d’urgence (Chum) à Ivry-Port, devrait faire l’ouverture de saison du théâtre d’Ivry Antoine Vitez.

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