Une étrange maquette en mousse attise la curiosité des habitants présents, ce 4 février, à la Maison de la citoyenneté. Tout le quartier y est représenté. En blanc, les bâtiments existants. « Tout ce qui est bleu se décolle : c’est une maquette martyre, explique Anne Mie Depuydt, de l’agence d’architectes uapS, membre de la nouvelle maîtrise d’œuvre de la Zac Ivry Confluences. Le travail est en cours, donc ce n’est pas une représentation finie. Un projet urbain se construit à plusieurs, notamment avec Sadev 94, l’aménageur public, avec la Ville et ceux qui y vivent au quotidien. »
En introduction, Philippe Bouyssou, le maire, a rappelé le processus qui a mené à remettre en débat, l’an passé, la conduite opérationnelle du projet, avec la participation des habitants. Ce, en formulant des attentes fortes : « Mieux gérer le territoire dans un quartier en chantier ; améliorer l’aspect économique et l’implantation d’activités ; répondre au défi environnemental et écologique. »
Près de cent quarante personnes ont participé à cette réunion publique où l’équipe pluridisciplinaire* a présenté une série d’intentions sur différents thèmes. Objectif affiché : « le bien-être pour ceux qui sont là, afin qu’ils restent, et pour ceux qui vont s’installer ». En voici les grandes lignes.
La Seine
Libérer les berges. L’ouverture complète de l’avenue de l’Industrie et la suppression de la voie départementale en bord de fleuve va permettre de rendre accessible ce territoire à tous, aussi bien « ceux d’ailleurs » (échelle métropolitaine et ivryenne) que ceux du quartier. L’équipe prévoit de retrouver la plaine alluviale en évitant les constructions et en favorisant les espaces très naturels. L’idée est de profiter des éléments singuliers présents (les halles, le port, Chinagora…) et des différents points de vue offerts pour trouver ensuite des usages pour tous.
Tissu urbain
« Ivry-Port est fait de différentes typologies de constructions, en termes de taille, de volume, le neuf, l’ancien… Nous apprenons de tout cela, poursuit l’équipe. Des défis s’imposent à nous : réintroduire la petite échelle et permettre l’initiative privée. »
Le passé industriel marque le quartier avec ses grandes emprises. La maîtrise d’œuvre propose également de conserver ces grandes valeurs en permettant leur traversée, facilitant ainsi les trajets du quotidien. À l’image des béguinages flamands notamment, l’idée est de conserver la pleine terre au cœur de ces parcelles de plusieurs hectares. Ces espaces permettent également de garder de la fraîcheur, un élément que l’équipe prend très au sérieux avec les enjeux liés au réchauffement climatique en cours.
Ville productive et innovante
L’intention affichée est de garder et développer l’emploi sur la ville, la productivité. Un défi que propose de relever la nouvelle équipe en « dé-normant » le bureau, les typologies productives. « Notamment, imaginer des espaces flexibles et réversibles comme des bureaux aujourd’hui qui pourraient se transformer demain en logements ou en activité. » Ou encore, créer des polarités autour de diverses dynamiques existantes : l’image, la Silver économie, le recylage, la logistique du dernier kilomètre...
Comme le rappelle le maire, le territoire se situe entre deux pôles urbains importants : celui des Ardoines à Vitry et celui de Bruneseau à Paris. Il y a une carte importante et complémentaire à jouer.
Ville du quotidien
Le quartier étant en zone inondable, des règles sont à respecter. La question des rez-de-chaussée et des lieux en transition est importante. Des modèles sont à inventer. Par exemple, des locaux d’activités peu onéreux pour les sociétés qui n’ont pas encore assis leur modèle économique ; des salles partagées au pied des immeubles…
Vieillissement de la population, modification des structures familiales… Tout cela implique de réfléchir à la modularité des logements. L’équipe pluridisciplinaire pose un regard prospectif sur l’habitat et les parcours résidentiels.
Suite à cette présentation, les habitants ont pu s’exprimer sur les intentions formulées. « Quelle place pour la culture ? » « Le projet qui s’ouvre à la Seine, c’est magnifique. Mais que proposez-vous côté rails ? » « Comment va se dérouler la concertation ? » « Il faut penser à nous qui vivons là. » « Quid des équipements publics pour que ce ne soit pas un quartier dortoir ? » Les nombreuses questions des habitants ont été reprises par le cabinet uapS et son équipe. Toutefois, le maire a rappelé que « ce soir, il est question d’adopter des intentions urbaines, pas de rentrer dans le détail. » Ce que confirme Anne Mie Depuydt : « le travail fin de programmation est à venir, il est encore trop tôt. Nous n’avons pas eu le temps de tout faire ! Mais nous souhaitons commencer vite. »
Ahmed Talbi
*Les autres membbres sont Aclaa (urbaniste), Base (paysagiste), Zefco (développement durable), What Time Is It ? (« Concert'action » et maîtrise d'usage).
Concertation
« La sociologie de cette salle ce soir n’est pas celle d’Ivry, constate Stéphane Juguet, de What time is it !, membre de l’équipe pluridisciplinaire en charge de la concertation. Ces réunions sont importantes. Mais il y a aussi une autre ville qui se vit au quotidien, du trottoir. Nous allons mettre en place une batterie d’outils pour capter ces imaginaires-là également, voir comment les différentes visions viennent féconder ce projet. C’est un travail à différentes échelles, un travail concret, d’expérimentation. »