IMV hebdo : Quel était l’objectif de cette mission au Sahara occidental ?
Séverine Peter : Au printemps 2018, l’Ivryenne Claude Mangin-Asfari a mené une grève de la faim durant 30 jours car le Maroc lui refusait le droit de rendre visite à son mari Naâma Asfari, militant sahraoui, emprisonné pour des raisons politiques. La Ville avait soutenu Claude, en l’accueillant notamment à la mairie. Nous nous étions alors engagés à aller dans les camps de réfugiés sahraouis, en Algérie, pour nous rendre compte de la réalité de leur situation. Ils sont près de 200 000 à vivre dans cette zone désertique, privés de leur territoire car il est occupé par le Maroc depuis plus de 40 ans ! De plus, nous voulions connaître les conditions de vie des enfants sahraouis car nous en accueillons six tous les étés, depuis dix ans, à Ivry et dans notre centre de vacances des Mathes en Charente-Maritime.
IMV hebdo : Quels ont été les faits marquants de ce séjour ?
Séverine Peter : Nous avons été hébergés par des familles dans le camp d’Aousserd, à côté de Tindouf, dans le Sud de l’Algérie. La précarité des conditions de vie et la rareté de l’eau sont bien sûr marquantes, lorsqu’on vient d’un pays où la surconsommation est la règle. Mais j’ai été surtout frappée par la dignité du peuple sahraoui et sa grande culture ! Ces réfugiés reçoivent une formation de haut niveau au sein du camp, ils parlent par exemple plusieurs langues. Ils sont au courant de ce qui se passe dans le monde entier, en particulier grâce à internet. Ils nous ont même questionnés sur le mouvement des Gilets jaunes ! Enfin, j’ai été touchée par le désarroi de la jeunesse qui envisage de reprendre les armes car elle se sent dans une telle impasse. Cela fait cinq générations que les Sahraouis vivent dans des camps de réfugiés !
IMV hebdo : Pourquoi est-ce important que des élus de la République française, issus d’une collectivité territoriale, défendent la cause sahraouie ?
Séverine Peter : La France, patrie des droits de l’homme, est extrêmement silencieuse sur la question sahraouie à la différence d’autres pays comme l’Espagne, la Suède, l’Afrique du Sud... Depuis des années, les gouvernements français se rallient systématiquement aux positions marocaines. Aujourd’hui, c’est important de témoigner toute notre solidarité à ce peuple qui revendique son autodétermination. Cela fait partie de notre tradition politique depuis notre soutien aux républicains espagnols dans les années 30 ! Mais nous n’étions pas seuls fin février au Sahara occidental : plus de 70 Français étaient présents, mobilisés par l'Association des Amis de la République arabe sahraouie et démocratique (AARASD). Venant de Paris, Marseille, Rezé ou Le Havre, il s’agissait principalement de citoyens, d’associations et de syndicats. Notre délégation* comptait, elle, neuf Ivryens : des élus et des militantes de l'AARASD dont Claude Mangin-Asfari. À l’issue de cette mission, nous avons décidé d’écrire au président de la République française, pour l’alerter sur la situation des Sahraouis et pour développer l’aide humanitaire en provenance de la France.
Propos recueillis par Catherine Mercadier
Des élus et des militants
La délégation ivryenne comptait neuf personnes dont quatre élus de la majorité municipale : Bozena Wojciechowski (PCF), Medhi Belabbas (Europe Écologie Les Verts), Saïd Héfad (Convergence citoyenne ivryenne). Était aussi présente Marianne Petit, directrice du Centre municipal de santé, où les enfants sahraouis se font soigner tous les étés. Le coût de la mission s’est élevé en tout 3 900 €. Enfin quatre militantes de l'Association des Amis de la République arabe sahraouie et démocratique (AARASD) ont participé au voyage, en prenant en charge leur frais.
Plus d’infos sur Claude Mangin-Asfari
Sahara occidental en bref
Situé au sud du Maroc, à la frontière avec la Mauritanie et l’Algérie, le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole de 226 000 km². C’est une zone très riche en phosphate et dont le littoral est poissonneux. Depuis 1976, ce territoire est occupé à 80% par le Maroc et par la République arabe sahraouie démocratique proclamée par le Front Polisario pour le reste. Depuis 1991, la tenue d’un référendum sur l’auto-détermination des Sahraouis est demandé par l’ONU.