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Comme l’artiste, ici le soir du vernissage, les visiteurs de l’exposition peuvent prendre la pose sur la reproduction du socle du square de l’Insurrection. © Marie-Pierre Dieterlé

Voici une exposition faussement légère, à la fois drôle et plombante, qui conduit par des chemins insoupçonnés vers l’actualité la plus grave. Colauréat d’une bourse de recherche de la Triennale d’art public en 2023-2024, Jakob Gautel présente à la Galerie Fernand Léger le résultat de deux années de recherche.

Au départ de ces Socles peu communs, il y a la découverte d’un support en pierre, place de l’Insurrection d’août 1944 à Ivry. De ce piédestal vide, seule reste l’inscription « Hommage au travail » et une date : 1911. Intrigué par ce qui ressemble à un poisson d’avril du 1er mai, l’artiste mène l’enquête et finit par retrouver la trace de l’œuvre manquante. Il s’agit d’un bronze de Charles Théodore Perron représentant un ouvrier du fer prenant une pause. Une version en plâtre est visible au Petit Palais mais l’original a été fondu en 1942 pour fabriquer des munitions. 

Dialogue fictif

La découverte d’un autre socle de pierre délaissé, celui d’une statue de Voltaire, au Conservatoire des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris (établi à Ivry) fait rebondir l’enquête.
Il se trouve que le philosophe a tiré une partie de sa fortune du commerce des armes. « J’ai imaginé un dialogue fictif entre l’ouvrier et le philosophe, une sorte de rencontre entre le monde de l’esprit et celui du travail manuel », explique Jakob Gautel. Quand l’ouvrier demande des comptes à l’écrivain sur son implication dans l’industrie de l’armement, celui-ci, en bon dialecticien, botte en touche.

Avec générosité, Jakob Gautel partage son mode opératoire, celui d’un détective facétieux. Réunissant sa documentation et ses recherches artistiques, la première salle présente son cabinet de travail : des ouvrages sur le capitalisme, des cartes postales anciennes, des poupées Barbie, des cartouches et obus… 

L’artiste imagine de savoureuses versions de la sculpture manquante, se représentant en Mary Poppins, coiffé d’un képi Usinor, ou en apiculteur veillant sur une ruche colorée. Mais devant de vieilles affiches célébrant l’effort de guerre, revient alors en tête un autre discours militariste, celui du Président français en réponse aux tensions géopolitiques actuelles. Comme si l’on n’avait pas tiré de leçons de l’Histoire.

Mathieu Oui
 

Socles peu communs de Jakob Gautel, jusqu’au 6 juin à la galerie Fernand Léger : 93 avenue Georges Gosnat. 01 49 60 25 49. 
Activation des œuvres par l’artiste les 7, 14, 21 et 28 mai dès 14h.
Le 17 mai à 15h : rencontre avec l’artiste et Léonor Nuridsany. 
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