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De gauche à droite : Ol Kainry et Arsenik. © DR

C’est probablement le spectacle musical le plus regardé au monde. Depuis le milieu des années 80, les grandes pop stars du moment donnent un concert lors de la mi-temps du Super Bowl, la finale du championnat de football américain. Cette année, c’est Kendrick Lamar qui a fait sensation avec sa prestation électrisante, d’autant qu’il est le premier rappeur à tenir seul cette scène prisée. Ce n’est pas un hasard : le rap est en passe de devenir le style musical le plus populaire au monde.

En France, les artistes francophones sont même en tête des écoutes sur les plateformes de streaming. La culture hip-hop (rap, danse, graffiti, DJing…), qui a émergé il y a près d’un demi-siècle, méritait bien un événement dans notre ville. Les associations et collectifs Les Films qui causent, Like the old school et Décolonisons-nous présentent du 18 au 20 avril le festival 94 BPM.

« Nous ne voulions pas proposer que des concerts, prévient l’Ivryen Adnane Tragha, l’un de ses instigateurs. La dimension politique du hip-hop est trop souvent oubliée. » C’est la raison pour laquelle l’un des points d’orgue de ces trois jours sera la table ronde « Le hip-hop, une culture décoloniale ? ». Ce débat réunira la maîtresse de conférence Maboula Soumahoro, la philosophe Benjamine Weill, autrice de À qui profite le sale ? Sexisme, racisme et capitalisme dans le rap français (Payot, 2023), et deux acteurs majeurs du hip-hop d’ici : le rappeur Médine et Frédéric Bride, cofondateur du mythique collectif Secteur Ä (Passi, Doc Gynéco, Stomy Bugsy, Ärsenik, Neg’Marrons, Pit Baccardi…).

Battle

Côté musique, la ligne est claire : « Nous voulons promouvoir le côté positif et émancipateur du hip-hop, qui s’est parfois un peu perdu en chemin », explique l’Ivryen Le K.Fear, ancien rappeur de La Brigade. C’est lui qui animera la soirée de concerts au Hangar à l’affiche alléchante : les vétérans toujours actifs Ärsenik et Ol Kainri ainsi que Mr Kayz, auteur du récent album Ni vu.

Le festival propose aussi la projection de deux films au cinéma municipal Le Luxy : 8 Mile de Curtis Hanson (États-Unis, 2002) inspiré de l’histoire d’Eminem et, en avant-première, Kneecap de Rich Peppiatt (Irlande / Grande-Bretagne, 2025) qui suit le trio éponyme de Belfast rappant en irlandais et non en anglais bon teint. Entre les deux séances, Res Turner mènera une battle de rap avec les participants de l’atelier animé par ses soins et Le K.Fear la semaine précédente.

De quoi appréhender la richesse d’un mouvement culturel florissant qui est à un carrefour de son développement. Comme le problématisait la journaliste Marie Richeux dans son Book Club de France Culture au sujet du rap : « C'est une musique à qui on a beaucoup demandé. Elle se devait d'être politique sans être trop violente, de porter la voix des dominés sans faire trop de bruit, d'être fidèle à une histoire, un territoire. Aujourd'hui, le rap a semble-t-il gagné le jeu de l'argent et de l'audience. Il s'est, ce faisant, libéré de plusieurs injonctions mais est soumis à d'autres, celle du marché par exemple. Il a peut-être également gagné le droit d'être envisagé d'abord d'un point de vue esthétique. Car il faut l'envisager dans toute sa diversité : il n'y a évidemment pas qu'un seul rap. »

En 1998 déjà, Lino et Calbo d’Ärsenik prévenaient dans leur morceau-phare Boxe avec les mots : « Qui prétend faire du rap sans prendre position ? »

Thomas Portier

Au programme
- Concert d’Ärsenik, Ol Kainry et Mr Kayz animé par Le K.Fear (La Brigade) 
le 18 avril à 20h au Hangar : 3/5 rue Raspail. 01 49 60 25 35.

- Table ronde « Le hip-hop, une culture décoloniale ? » animée par la journaliste Mekolo Billigui avec Médine, Maboula Soumahoro, Frédéric Bride et Benjamine Weill, le 19 avril à 16h au Hangar, suivie d’une blockparty.

- Projection de 8 Mile de Curtis Hanson (États-Unis, 2002) le 20 avril à 17h30 suivi d’une battle de rap, puis avant-première de Kneecapde Rich Peppiatt (Irlande / Grande-Bretagne, 2025) à 20h30au Luxy : 77 avenue Georges Gosnat. 01 72 04 64 60.

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