« Quand on est jeune, on a l'impression d'avoir du temps et que la vie peut nous offrir une seconde chance. Mais mes amis qui ont fait le choix de l’illicite ont été tués, ou ont fini en prison. » D'une voix posée, voilée de tristesse, l’artiste Kery James, 46 ans, se raconte tel un grand frère, sans jamais donner de leçon à son auditoire. Ce 22 mai, plus de 120 jeunes ivryens, issus de tous les quartiers, sont venus échanger avec le rappeur d’Orly (Val-de-Marne) qui s’est fait connaître au sein d’Ideal Junior puis en solo, tout en étant membre de la Mafia K’1 Fry.
Quelques parents sont aussi présents et deux adjoints au maire : Bernard Prieur, délégué à la démocratie et au quartier du Petit-Ivry et Boukary Gassama, délégué à l’autonomie des jeunes. C’est la Maison municipale du Petit-Ivry qui a organisé la rencontre, en partenariat avec les associations, les médiateurs et le service municipal de la jeunesse. L'un de ses animateurs, Clarence, présente des extraits de Banlieusards, le premier film de Kery James qui est aussi réalisateur, acteur, dramaturge et producteur. Dans cette fiction fortement inspirée de sa vie, il parle de violences et de délinquance. Le public réagit.
Mort d'un ami
« Les rixes entre bandes partent toujours de vieilles histoires dont on a oublié le début », reconnaît un jeune tandis qu'une jeune femme s’indigne :« Taper ne fait pas d'une personne un homme ». Une autre déplore que « certaines filles entrent dans la violence pour se faire accepter des garçons ». Une adolescente dénonce la brutalité et l'humiliation qui règnent souvent sur les réseaux sociaux.
Kery James, lui, considère qu’il s’en est sorti grâce à sa mère (qui l'empêchait de sortir tard !), à la musique (il rencontre notamment le rappeur MC Solaar à la Maison des Jeunes et de la culture d'Orly en 1991) ou encore à la spiritualité. À propos des tensions et des rivalités, il précise : « Au départ, nos amis sont ceux qui habitent notre quartier, notre bâtiment, nous sommes ensemble, unis face à l'adversité. Mais une amitié authentique peut tout à fait naître avec une personne d'une bande rivale ! ». Yacina, la référente famille, lui demande s'il y a eu un déclic à ce changement. « Je voyais que je m'autodétruisais et j'ai perdu un de mes amis d'enfance en 1999 », confie-il dans un souffle.
Besoin d’écoute
Clarence interroge sur le rôle des aînés pour aider à pacifier les relations. « Ils ne sont pas utiles, ils viennent nous faire la morale alors qu'ils ont eux-mêmes été violents ! », réplique un jeune. D’autres, au contraire, considèrent que les anciens sont légitimes puisqu'ils ont traversé des difficultés et les ont surmontées. « En banlieue, nous manquons de figures auxquelles s’identifier, explique un jeune de l’association locale Solidaritess. Mais l’exemplarité et le tuttorat entre pairs, ça marche ! » Un restaurateur du quartier précise : « Nous sommes parfois empêcher par nous-mêmes, par des "croyances limitantes". » Tous les arguments finissent par convaincre.
Pour terminer, Saïda Antouri, coordinatrice des activités, qui est à l'origine de la venue de Kery James, délivre un message d’espoir : « Tout est possible dans la vie. Toutes les portes vous sont ouvertes : dans les Maisons de quartier, au service municipale de la jeunesse, au collège, au lycée, dans les associations... Faites des projets et surtout ne restez pas seuls ! » Alors que l’assemblée se disperse lentement, les discussions se poursuivent : « Se poser pour parler avec des jeunes est très rare et très important car la violence naît aussi du sentiment de ne pas être écouté, » reconnaît Kocé de l'association Seconde chance.
« En quelques minutes, la violence peut faire basculer des vies. C'est ce qui s'est passé, dans ce quartier, il y a trois ans, quand Marjorie a été tuée par un autre jeune pour un différend sur fond de réseaux sociaux », rappelle Clarence. Kery James répond aux derniers échanges et se prête à quelques selfies où il sourit fraternellement : « J'ai beaucoup appris de ces jeunes, notamment de la personne qui a été capable de changer d'avis. C'était une belle rencontre ! »
Catherine Mercadier
Plus d’infos au service municipal de la jeunesse ou dans les différentes Maisons municipales de quartier
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