Née en Irak, Yasmine, l’héroïne de Place, se retrouve contrainte à un exil forcé lors d’un séjour de vacances en Europe. La guerre du Golfe entraîne la fermeture des frontières et l’impossible retour. Le récit s’organise dans un aller-retour entre cette famille coincée dans un espace-temps figé et une société française méconnue. Comment se construire entre deux langues qui s’interdisent l’une l’autre ? Ce récit autobiographique a été écrit et mis en scène par Tamara Al Saadi, artiste associée au Théâtre des quartiers d’Ivry et engagée sur le territoire ivryen.
Colonisation de l’intime
Avec cette œuvre, la dramaturge met en lumière la souffrance générée par l’assimilation. « À la différence de l’intégration qui suppose un échange entre deux cultures, l’assimilation vise à effacer la culture d’origine, explique-t-elle. C’est une colonisation culturelle de l’intime qui crée une distorsion invisible. » Yasmine ressent la honte de ses origines, sentiment qu’elle va progressivement auto-alimenter. Sa prise de conscience interviendra à 27 ans : l’oubli de sa langue maternelle provoque alors des angoisses au point de la réveiller la nuit.
Sur scène, le personnage, dédoublé entre ses deux cultures, est interprété par deux comédiennes qui déclinent les tensions qui la traversent. Le décor épuré se réduit à quelques chaises. Et puis du sable surgit, évocation du temps qui passe, de la poussière des bombardements. « Par le théâtre, je tente de traduire l’invisible et de partager une expérience intime dans laquelle beaucoup de spectateurs se reconnaissent », se félicite l’autrice.
Mathieu Oui
Place, texte et mise en scène de Tamara Al Saadi, du 24 au 28 avril au Théâtre des quartiers d’Ivry - Centre dramatique national du Val-de-Marne : Manufacture des Œillets, 1 place Pierre Gosnat. 01 43 90 11 11. theatre-quartiers-ivry.com. À l’issue de la représentation du 28 avril, un bord de plateau sera organisé afin de rencontrer et dialoguer librement avec Tamara Al Saadi et l’équipe artistique de Place.