En file indienne, ils attendent, carte d’étudiant à la main, d’être enregistrés sur la liste. Sous les auvents de la cour de la Maison municipale de quartier d’Ivry-Port, ils choisiront bientôt ce qui va leur permettre de « tenir » cette semaine : fruits et légumes bio, soupes, œufs, lait, pâtes, pizzas, viande, yaourts, sans oublier gel douche, shampooing ou encore protections périodiques.
« Ça fait du bien d’être ici ! Depuis tout ce temps qu’on se sentait complètement délaissés... », se réjouit Oriane, en deuxième année à l’école de photographie E3P. Elle travaillait dans la restauration jusqu’à la crise sanitaire, mais depuis, « c’est la galère ! ».
Drôle de vie que celle des étudiants depuis mars 2020 : conditions de scolarité difficiles, mais aussi, pour beaucoup, précarité et isolement. Dehbia, 26 ans, en master de génétique à l’université Diderot, se désole de n’avoir pu « rendre visite à la famille en Algérie depuis le printemps, fermeture des frontières oblige... C’est une affiche déposée à ma résidence universitaire qui m’a incitée à venir ce matin ».
Une action collective
« Pour certains, c’est vraiment très dur !», constate William, 22 ans, derrière l’étal où les pommes et poires qu’il vient d’ensacher attendent preneur. Conscient d’être issu d’un milieu aisé, il est quand même rentré à Sartrouville chez ses parents « parce qu’ici, tout seul à Ivry, j’avais l’impression de devenir fou ! », explique-t-il. Étudiant à l’ISIEA, une école supérieure d’ingénieurs en informatique, ce n’est pas pour faire ses courses qu’il est venu ce matin, avec trois autres amis de l’école, mais pour donner un coup de main à la bonne vingtaine de bénévoles associatifs qui ont collecté, livré, déchargé et distribué l’aide aujourd’hui.
David, fondateur de Poignées d’entraide, est l’un des initiateurs de l’opération : en décembre, il a organisé la toute première distribution, au Twenty Campus, résidence étudiante du boulevard de Stalingrad. Depuis le printemps, son association récupère le surplus de produits frais donnés par le directeur d’un supermarché d’Ivry et travaille avec d’autres associations pour mutualiser les actions. Depuis, avec l’Étal Solidaire, ils ont coordonné la mise en place de deux autres distributions destinées aux étudiants. « Les besoins sont flagrants : ils étaient 60 étudiants au Twenty, 120 à Voltaire la semaine dernière... et aujourd’hui, on en a accueilli 145... », souligne David.
L’Étal Solidaire distribue chaque semaine aux habitants d’Ivry les paniers précommandés en ligne dans l’une ou l’autre des Maisons municipales de quartier. Et les invite à contribuer financièrement aux « paniers solidaires » destinés aux plus démunis. « La semaine dernière, on a récolté quelques 400 euros de dons », précise Laurent, son président. L’Étal a ainsi pu acheter plus de 250 kg de fruits et légumes biologiques supplémentaires à son agriculteur-producteur, Didier Ringeval, venu du Nord-Pas-de-Calais, à l’aube, en assurer la livraison !
L’antenne ivryenne du Secours populaire français, très régulièrement sollicitée par des étudiants en détresse, a aussi répondu présente. La veille, le conseil départemental du Val-de-Marne lui a fait livrer une tonne de fruits et légumes bio. 200 kg en ont été réservés pour la distribution de ce matin, en plus de « l’épicerie sèche » (pâtes, riz...), des œufs ou du lait.
Enfin, l’association Solidaritess vient de rejoindre l’aventure. Créé en 2016, elle faisait plutôt dans la maraude alimentaire et vestimentaire, tout en menant des projets humanitaires en Afrique et en Asie. Aujourd’hui, sur son étal, des produits d’hygiène complèteront utilement les cabas étudiants. « On les a achetés nous-même ! », précise Boukary Gassama, son président, également adjoint au maire en charge de la citoyenneté et de l’autonomie des jeunes.
Ce matin, ce sont des associations, mais surtout des humains, qui participaient à ce grand élan de solidarité amené à se tenir tous les samedis matin, en parallèle de la distribution des paniers de l’Étal Solidaire. Une belle initiative qui ne demande qu’à croître, ouverte à tous les dons… et à toutes les bonnes volontés !
Clara Delpas