Lignes de front : portrait d'Aseel Al Jaberi

L’architecte et plasticienne palestinienne Aseel Al Jaberi est en résidence artistique à Ivry jusqu’en juillet. Elle exposera à l'Espace Pleins Feux à partir du 26 juin.

Une figure voûtée assise sur une volée de marches à la géométrie impossible. Des ruines en phase de reconstruction, gagnées par la végétation. Des silhouettes étêtées qui avancent à l’horizon. Le mur de séparation entre la Cisjordanie occupée et Israël transmuté en un gigantesque clavier de piano. Les dessins d’Aseel Al Jaberi, tracés en noir et blanc façon fusain et depuis peu en couleur à la palette graphique, brillent d’une obscure clarté. En optant pour un symbolisme sombre, la jeune artiste palestinienne figure la situation de son peuple, écrasé par le conflit sans fin qui l’oppose à Israël.

Pourtant, presque chacune de ses œuvres recèle une lueur. « J’ai toujours de l’espoir, malgré les massacres, malgré le génocide, même quand on pense que le pire est arrivé et qu’il y a encore pire, proclame la Cisjordanienne de 27 ans, dans un atelier de la galerie municipale Fernand Léger. Je ne peux pas parler pour les Gazaouis, parce que je ne vis pas la même chose, notre douleur est différente, mais je peux dire que nous arrivons toujours à trouver de l’espoir. Le moins que je puisse faire à mon niveau, c’est de continuer à montrer mon travail, notamment à l’étranger. » C’est là tout l’enjeu de sa résidence artistique de trois mois et demi à Ivry.

Aseel Al Jaberi fait partie des trente-trois artistes palestiniens sélectionnés dans le cadre du programme Sawa Sawa de l’Institut français de Jérusalem qui organise et finance des séjours de création tant en Palestine qu’à l’étranger (Ivry étant la seule commune à accueillir une artiste, les autres étant reçus par des structures culturelles ou des associations). L’institution, dernière représentation occidentale encore présente dans les enclaves palestiniennes, poursuit vaille que vaille sa mission culturelle. En décembre 2023, un missile israélien a frappé le bâtiment de son antenne gazaouie causant la mort de quatre employés parmi lesquels Ahmed Abu Shamla, dont la famille a trouvé refuge à Ivry. « On se sent souvent démuni face à la situation, déplore Aseel Al Jaberi. Même manifester n’est pas autorisé. Mais résister peut passer par de multiples moyens : l’art en est un. Il permet de montrer que nous cherchons les bonnes manières de défendre notre peuple, notre fierté, notre identité, notre pays. Nous ne voulons pas que notre culture soit effacée. »

Résilience

Architecte de formation, Aseel Al Jaberi a commencé récemment un travail artistique qu’elle publie depuis octobre 2024 sur Instagram ou dans des galeries palestiniennes. Pour ses dessins, elle s’emploie d’abord à documenter ce qu’elle voit: les paysages, les bâtiments, les chantiers, les postes de contrôles. « On n’est jamais loin de penser que ce qui se passe à Gaza pourrait arriveren Cisjordanie. C’est pourquoi j’ai ressenti le besoin de documenter l’existant, mais aussi en-deçà, les pierres qui témoignent de notre résilience et des récits des gens. » Toujours, ses compositions font surgir la vie qui reprend.

Francophone et francophile, née dans une famille d’ingénieurs et d’enseignants, Aseel Al Jaberi a déjà effectué deux voyages linguistiques et culturels en France. Aujourd’hui, elle profite de son séjour pour courir les musées franciliens (le Mac/Val, Orsay, le Palais de Tokyo, le Jeu de Paume ou le « magnifique » musée Rodin...) À Ivry, elle a pu s’entretenir avec Serge Renaudie pour évoquer les spécificités architecturales de notre ville, dont les fameuses Étoiles sur lesquelles elle s’était informée et qui lui ont « rappelée [ses] études ». Déterminée à ce que la guerre s’arrête et que les Palestiniens cessent d’être invisibles aux yeux du monde, elle rappelle avec force que « en tant que peuple, nous sommes plus que douleur et destruction ».

Thomas Portier

1998 : naissance à Bethléem.

2015 : stage linguistique à Vichy.

2020 : diplômée en ingénierie architecturale à l’université polytechnique d’Hébron.

2021-2023 : assistante d’enseignement en architecture à l’université d’Al Quds.

Depuis 2023 : architecte au Building Bureau de Bethléem.

Novembre 2024 : première exposition collective à la galerie Bab idDeir de Ramallah.

Mai 2025 : exposition de son collectif Marsam 301 à la Gallery One de Ramallah.

Mars à juillet 2025 : résidence artistique à Ivry dans le cadre du programme Sawa Sawa de l’Institut français de Gaza.

La marche pour la liberté stoppée à la frontière marocaine

La marche pour la liberté s’est élancée d’Ivry le 30 mars 2025 et devait s’achever à Kénitra, au Maroc, après 3000 km pour la justice et la liberté mais les autorités marocaines ont stoppé la délégation à la frontière.

Accompagnée de participants solidaires, l’Ivryenne Claude Mangin a traversé la France et l’Espagne pour faire connaître la situation des prisonniers politiques sahraouis, dont son mari Naâma Asfari, condamné à 30 ans en 2013.

Le 31 mai 2025, Claude Mangin et 13 solidaires dont les maires adjoints d’Ivry-sur-Seine, Nathalie Leruch et Alain Buch embarquaient sur le ferry qui relie Tarifa et Tanger. Pendant la traversée, des officiers marocains ont contrôlé et mis de côté les 14 participants. À leur arrivée à Tanger, sans aucune justification, ils sont empêchés de descendre du ferry et repartent pour l’Espagne.

Il s’agit de la sixième expulsion pour Claude Mangin.

Ce 1er juin, une conférence de presse s’est tenue pour dénoncer cette entrave à la liberté et rappeler le sort des prisonniers politiques sahraouis. Les citoyens français et espagnols sont invités à écrire à leurs députés pour alerter de la situation des détenus sahraouis.

Claude Mangin a également annoncé la tenue de la 50eme Conférence de la Coordination européenne pour le soutien et la solidarité avec le peuple sahraoui (eucoco), les 28 et 29 novembre, à Paris

Festival Ciné Palestine

Fondé en 2015, le festival Ciné Palestine met en lumière la qualité et la diversité du cinéma palestinien et est devenu, au fil du temps, un rendez-vous majeur du calendrier culturel dans les villes qui l’accueillent. Depuis 2 ans, en lien avec les engagements de la Ville envers le peuple palestinien, Ivry-sur-Seine a le plaisir d’accueillir la cérémonie de clôture du festival au cinéma le Luxy, en partenariat avec le secteur des Relations Internationales. Cette année, le 8 juin, le Luxy diffusera 4 court-métrages, et 2 longs, dont une avant-première en présence du réalisateur. Enfin, la soirée se terminera sur un cocktail et un repas.

Découvrez le programme

Marche pour la liberté : printemps sahraoui

Le 30 mars, Claude Mangin entame une marche de 3000 km, d’Ivry à la prison marocaine de Kenitra où son mari est détenu.
 

Deux coups de fil par semaine ! La vie de l’ivryenne Claude Mangin avec son époux Naâma Asfari tient dans ces deux appels hebdomadaires. C’est lui qui téléphone depuis la prison de Kenitra au Maroc où il purge une peine de 30 ans, en raison de son engagement politique. Il a été incarcéré parce qu’il militait, pourtant pacifiquement, en faveur de l’indépendance du peuple sahraoui. Près de quarante détenus politiques subissent le même sort.

« En neuf ans, j’ai vu mon mari une seule fois en 2019, après une grève de la faim de 30 jours ! »déplore la défenseure des droits de l’Homme. Le Maroc bafoue le droit international en ne l’autorisant pas à rendre visite à Naâma Asfari.

Villes étapes

« En France, la question du Sahara occidental est mal connue, analyse-t-elle. Nous entreprenons une marche de 3000 km pour la médiatiser. Nous traverserons la France et l’Espagne et ferons étape dans les villes : Tours, Bordeaux, Toulouse… Des rencontres culturelles et sportives y seront organisées. » Le parcours se fera à pied, à vélo, en voiture et en transports en commun.

Situé au sud du Maroc, le territoire sahraoui était une colonie espagnole jusqu’en 1975. Après le départ des Espagnols, le royaume marocain l’a annexé illégalement et exploite ses richesses. En octobre 2024, la Cour européenne de justice a dénoncé les accords commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc car celui-ci vend des produits provenant du Sahara occidental.

Selon l’ONU, ce territoire reste à décoloniser. Sous l’égide onusienne, un référendum d’autodétermination doit même être organisé depuis 1991 !« Au mépris du droit international, des pays tels les États-Unis ou la France reconnaissent de façon unilatérale la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. C’est un scandale ! Nous voulons un règlement pacifique, conforme au droit », insiste l’Ivryenne. Voilà pourquoi elle marchera, ce printemps, avec des sympathisants de la cause sahraouie. Un printemps pour la liberté !

Catherine Mercadier
 

Marche pour la liberté 2025
Départ le 30 mars à 10h, devant la mairie d’Ivry, esplanade Georges Marrane.
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Renseignements : 06 44 18 26 08.

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