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© Mairie d’Ivry-sur-Seine - David Merle

«Regarde, je suis au quatrième étage et le monstre attaque mon appartement ! ». Ce 23 septembre, vers 15h, la cité Youri Gagarine vit ses derniers instants sous l’œil impressionné et amusé d’une ribambelle de gamins du quartier. Un peu plus loin dans la rue, Lina, 30 ans, évoque le pincement au cœur qu’elle a ressenti quand l’appartement où elle a vécu durant vingt ans, bâtiment C bis, a disparu : « J’ai versé une larme alors que je ne m’y attendais pas ! C’était mon enfance et ma jeunesse.»  Quant à Yves, septuagénaire, qui a décidé d’être relogé à l’extension Truillot, il s’interroge sur les relations entre voisins : « La disparition d’une cité, c’est un tissu social à recréer.»  Alors que les questions se mêlent aux émotions, le long bras jaune armé d’une pince fait tomber les derniers étages du bâtiment A. Au sol, des pelleteuses dament les montagnes de gravats. Désormais, la grande barre rouge en forme de T n’occulte plus l’horizon mais sa présence reste palpable, encore en suspension dans l’air.

« Aujourd’hui, une page se tourne, une autre va s’écrire, explique Romain Marchand, premier adjoint au maire, en charge du développement urbain et ancien locataire de Gagarine. Dans les années 60, cette cité symbolisait le progrès social pour la classe ouvrière. Nous défendons toujours ces valeurs, nous voulons construire une ville populaire et mixte ! Notre projet, travaillé depuis quinze ans, va permettre à des foyers modestes de continuer à vivre en petite couronne alors qu’ils sont le plus souvent obligés de s’éloigner en grande banlieue pour trouver des loyers abordables. De plus, ils auront accès à un nouvel environnement, un éco-quartier porteur d’une grande ambition écologique autour de l’agriculture urbaine.»

Pépinière transitoire

Démarré en août 2019, le chantier s’inscrit lui-même dans une démarche exemplaire de recyclage et de réemploi des matériaux. Voilà pourquoi le terme « déconstruction » a été préféré à celui de démolition. Sur les 30 000 tonnes de béton et de briques générées, près de 90 % d’entre elles ont été (ou vont) être valorisées, transformées par exemple en granulat pour construire des routes. Une part servira au comblement des caves et à la mise à niveau du site. Les radiateurs en fonte et les boîtes aux lettres ont également été vendus.

Sur les deux-tiers de l’emprise au sol de la cité, de la terre végétale sera acheminée afin d’installer une pépinière transitoire, où croîtront les arbres des futurs espaces publics. « Ce sera d’abord une forêt en croissance, puis l’empreinte laissée sera sanctuarisée.», conclut Romain Marchand.  Des logements verront le jour avec la construction d’un premier immeuble sur l’espace Pioline. Une allée continuera de porter le nom de Youri Gagarine, héros de la conquête spatiale et premier homme à être allé dans l’espace. En 1963, quasiment à la sortie de sa capsule, il s’était rendu en personne à Ivry, dans la cité toute neuve, donnant naissance à un véritable mythe.

Près de six décennies plus tard, plusieurs artistes ont été inspirés par les dernières heures de cet emblème comme en témoignent les deux films présentés les 6, 7 et 8 novembre au Luxy. Une façon de l’immortaliser et de lui dire adieu. Salut Gagarine !

Catherine Mercadier

Revivez en images les derniers moments de la cité Gagarine

Festival Gagarine les 6, 7 et 8 novembre
« Nous aurions adoré monter les marches du Festival de Cannes avec l’équipe du film et les habitants de la cité ! », s’exclament en chœur Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, les deux réalisateurs de Gagarine, long-métrage qui figure dans la sélection officielle de cette année. (Lire leur interview ici) les figurants  ivryens. Rendez-vous à 20h30. Une deuxième projection aura lieu le 8 novembre à 17h30.

Retour au réel le 7 novembre, à 15h, avec un point sur la déconstruction et l’avenir de Gagarine sur le chantier, notamment avec l’architecte Carmen Santana. Le premier arbre de la pépinière devrait être planté ce jour-là. Le cinéaste ivryen Adnane Tragha présentera aussi son livre Cité Gagarine : on a grandi ensemble. Puis, à 17h, sera projeté son documentaire On a grandi ensemble qui donne la parole aux habitants.

Le Luxy : 77 avenue Georges Gosnat. Séances gratuites sur réservation par mail : contactrelationspubliques@ivry94.fr (ou 01 49 60 24 50).

En images

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